LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Thierry
C'est pourtant la triste réalité.
C'est pourtant la triste réalité.
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Chiens célèbres (Des) : héros ou acteurs ingénieux
(D’après « Ma revue hebdomadaire illustrée », paru en 1908)
Qu’ils s’illustrent par un héroïsme déroutant, par leur capacité à faire montre d’une ingéniosité peu commune, ou encore par leur côté cabot pour le plus grand plaisir du public, certains représentants de la race canine marquèrent leur temps, ainsi que nous l’explique Henri d’Alméras en 1908
Le 30 novembre 1903, la population de Baltimore, ou du moins une notable partie de cette population, assistait à de solennelles obsèques. Derrière un char empanaché marchaient lentement des hommes, des femmes qui paraissaient très impressionnés. On arriva au cimetière et aussitôt un orateur se détacha de la foule, s’avança vers le bord de la fosse, et prononça, avec une émotion très visible, l’éloge funèbre du défunt. Il loua sa douceur, sa fidélité, son attachement, ses qualités morales et intellectuelles. Il remarqua en terminant que-jamais celui dont on pleurait le trépas prématuré n’avait mordu personne, à moins de se trouver en état de légitimé défense, et qu’il n’aboyait que lorsque c’était indispensable. C’était en effet un chien qu’on enterrait ainsi, le chien d’un certain Harson, qui, en le perdant, avait cru perdre le meilleur dé ses amis.
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Evoquons un souvenir moins triste. Le 3 novembre 1904, dans un hôtel particulier de Newport, chez Mme Harry Lair, on donnait un somptueux dîner. La table était décorée de fleurs, de magnifiques dahlias, et de candélabres garnis d’abat-jour rouges. Sur des chaises hautes, comme celles dont on se sert pour les enfants, étaient assis, un peu intimidés, les convives, et ces convives étaient sept chiens, qui portaient au cou de belles serviettes blanches. Le menu se composait de quelques hors-d’œuvre, saucisson, tranches de jambon, beurre, etc., de côtelettes bien appétissantes et qui obtinrent un vif succès, de crème à la glace et de chocolat. A la fin, on servit un gâteau orné de cette inscription : « Mighty Atom, trois ans. » Mighty Atom (Puissant Atome) était un loulou de Poméranie, le chien de Mme Harry Lair, et pour fêter ses trois ans on avait invité tous ses amis. Les convives furent, paraît-il, d’une correction parfaite, et, le repas terminé, ils n’oublièrent pas de remercier, par quelques aboiements discrets, la maîtresse de la maison.
Il y avait jadis à Saint-Ouen un chien qui se signalait à la fois par son humeur indépendante et par sa roublardise. Il employait pour se faire nourrir un truc admirable : il suivait les enterrements. A la porte du cimetière, il s’arrêtait et attendait la sortie du cortège. Il choisissait alors un des groupes et pénétrait avec lui au cabaret, où il trouvait toujours le moyen de se faire donner quelque morceau de pain ou de fromage. En 1884, il craignit sans doute d’être brûlé à Saint-Ouen, et on ne le revit plus. Il était allé suivre les enterrements dans un autre quartier. Ce croque-mort à quatre pattes n’était qu’un habile arriviste ; mais, bien au-dessus de lui, doués d’une intelligence et d’une moralité très supérieures, certains chiens ont acquis une réputation que la plupart des hommes ambitionnent en vain, et laissé un nom, moins glorieux sans doute que celui d’Homère, d’Annibal, de Shakespeare ou de Napoléon, mais qui a eu et gardera longtemps sa place dans l’histoire.
Je ne parle pas, bien entendu, écrit d’Alméras, du chien de Jean de Nivelle, par la bonne raison que ce chien était un homme. Jean de Nivelle était le fils de Jean de Montmorency, grand chambellan de . France sous Charles VII. Au moment de la guerre dite du Bien public, guerre éminemment patriotique, il s’engagea dans le parti, opposé au roi Louis XI. Son père en éprouva une telle indignation qu’il le fit sommer à son de trompe de revenir à la bonne cause, et la sommation n’ayant eu aucun résultat, il le traita de chien. De là le dicton qui date de plus de cinq siècles et qu’on emploie souvent sans en bien connaître le sens :
C’est le chien de Jean de Nivelle
Qui s’enfuit quand on l’appelle.
Soter n’était pas un traître comme le fils de Jean de Montmorency, et, loin de s’enfuir quand on l’appelait, il montra un héroïque courage quand le pays qui l’avait vu naître eut besoin de son dévouement. Ce pays, Corinthe, entretenait une garnison canine composée de cinquante molosses, y compris Soter. Les ennemis avaient débarqué pendant la nuit et s’approchaient de la ville, avec l’espoir de la surprendre. Ils avaient compté sans les terribles molosses qui faisaient bonne garde et qui se précipitèrent à leur rencontre, aussitôt qu’ils les entendirent. Dans le combat qui s’engagea entre les ennemis et les chiens, quarante-neuf de ces derniers furent tués. Il ne resta que Soter, qui revint à la ville, réveilla par ses aboiements furieux les soldats, les entraîna vers le rivage et leur permit ainsi de repousser les envahisseurs. Le Sénat de Corinthe fut reconnaissant. Il donna au molosse qui venait de se signaler non seulement par sa vaillance, mais par sa présence d’esprit, un collier d’argent qui portait cette inscription : « Soter, défenseur et sauveur de Corinthe. »
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Le chien Moustache
Bien longtemps après, un lévrier nommé Mustapha se distingua si bien à la bataille de Fontenoy qu’il eut l’honneur d’être présenté au roi d’Angleterre, George II, et gratifié par lui d’une pension alimentaire. Sous la Révolution et sous l’Empire, les chiens se montrèrent aussi héroïques que les hommes. Ce n’est pas peu dire. La race canine eut ses Hoche et ses Marceau. Le plus célébré de tous ces guerriers fut Moustache, caniche de son métier. Comme Soter, il évita au camp français une surprise de l’ennemi. En récompense de cette action d’éclat, il reçut chaque jour une portion de grenadier et, ce qui dut lui être moins sensible, il obtint, sans l’avoir désirée ni sollicitée, la faveur d’être peigné et tondu par le perruquier du régiment. Minette eut moins de réputation et cependant Minette se signala à Sébastopol et à Solférino, autant que Moustache à Austerlitz. Quand elle mourut, chargée d’années, à quinze ans, ses funérailles furent célébrées avec pompe et beaucoup de soldats, la traitant en vieille camarade, y assistèrent.
Comment se fait-il, pourrait me demander un ami des bêtes, poursuit d’Alméras, qu’on n’ait jamais songé à gratifier de distinctions honorifiques des chiens si méritants alors qu’on les accorde si facilement à des hommes qui n’y ont aucune espèce de droit ? Eh bien, il y a eu un chien décoré, mais pas en France où pourtant on abuse des décorations, en Angleterre. Ce chien décoré s’appelait Bob. Il avait pris part comme Minette à la guerre de Crimée, et tant qu’elle dura, on le vit, infirmier volontaire, s’installer près des blessés, les lécher, et témoigner par ses regards affectueux et par ses caresses du chagrin que lui causait leur état. Bob prenait au sérieux son rôle de consolateur et il ne touchait pour le jouer aucun traitement. Heureusement, la reconnaissance, au moins à l’égard des chiens, n’est pas un vain mot. On s’aperçut des procédés délicats et des soins dévoués de Bob. On lui donna une médaille d’honneur et on inscrivit son nom sur les registres du régiment, pour qu’il pût répondre à l’appel. La guerre terminée, il figura à son rang à la revue passée à Londres devant la reine Victoria et, avec sa médaille, ce n’était pas lui qui avait la moins fière mine.
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Beaucoup de chiens ont été d’excellents acteurs, je n’ose pas dire d’excellents cabots. Un des derniers en date s’appelait Moustache, comme le héros dont nous parlions tout à l’heure, et il jouait au théâtre de la Gaîté, en 1902, dans une opérette de Décourcelle et Varney, le Chien du régiment. Il aboyait si bien son rôle que le public chaque soir l’applaudissait à tout rompre et que les autres acteurs commençaient à en être jaloux. Je m’étonne qu’on ne l’ait pas empoisonné. Caniches, carlins, bouledogues, ratiers ou levrettes, certains chiens n’ont été célèbres que grâce à leurs maîtres. Chien de grand homme, c’est encore un moyen d’arriver à la postérité.
Saladin, un lévrier kirghiz de Samarkand, fut l’ami de Stéphane Mallarmé et lui doit un rayon de gloire. Bitume, dont la race était indécise, partagea la bonne et la mauvaise fortune d’Emile Goudeau. Barrès eut, entre autres chiens, devenus des chiens importants et exceptionnels par le seul fait qu’ils lui appartenaient, le danois Porthos et le caniche Simon, fils d’une certaine Frimousse, dont Jules Lemaître parla dans un de ses articles.
Quant à Pain-Perdu, le chien de Mistral, c’était une bête quasi fantastique, trouvée par le grand poète et à propos de laquelle il écrivait : « Comme Pain-Perdu (c’est le nom d’un vieux troubadour, que je donnai au dernier venu) à certaines allures mystérieuses et cabalistiques ; comme, à certains moments, il tourne sur lui-même vertigineusement en se mordant la queue ; comme parfois il me regarde avec des yeux humains étonnamment perçants ; et comme il n’appartient à aucune des races connues dans le pays, j’ai fini, Dieu me pardonne, par me persuader que quelque bon ancêtre avait choisi cet avatar pour me protéger, qui sait ? dans quelque danger à venir. »
Chiens célèbres (Des) : héros ou acteurs ingénieux
(D’après « Ma revue hebdomadaire illustrée », paru en 1908)
Qu’ils s’illustrent par un héroïsme déroutant, par leur capacité à faire montre d’une ingéniosité peu commune, ou encore par leur côté cabot pour le plus grand plaisir du public, certains représentants de la race canine marquèrent leur temps, ainsi que nous l’explique Henri d’Alméras en 1908
Le 30 novembre 1903, la population de Baltimore, ou du moins une notable partie de cette population, assistait à de solennelles obsèques. Derrière un char empanaché marchaient lentement des hommes, des femmes qui paraissaient très impressionnés. On arriva au cimetière et aussitôt un orateur se détacha de la foule, s’avança vers le bord de la fosse, et prononça, avec une émotion très visible, l’éloge funèbre du défunt. Il loua sa douceur, sa fidélité, son attachement, ses qualités morales et intellectuelles. Il remarqua en terminant que-jamais celui dont on pleurait le trépas prématuré n’avait mordu personne, à moins de se trouver en état de légitimé défense, et qu’il n’aboyait que lorsque c’était indispensable. C’était en effet un chien qu’on enterrait ainsi, le chien d’un certain Harson, qui, en le perdant, avait cru perdre le meilleur dé ses amis.
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Evoquons un souvenir moins triste. Le 3 novembre 1904, dans un hôtel particulier de Newport, chez Mme Harry Lair, on donnait un somptueux dîner. La table était décorée de fleurs, de magnifiques dahlias, et de candélabres garnis d’abat-jour rouges. Sur des chaises hautes, comme celles dont on se sert pour les enfants, étaient assis, un peu intimidés, les convives, et ces convives étaient sept chiens, qui portaient au cou de belles serviettes blanches. Le menu se composait de quelques hors-d’œuvre, saucisson, tranches de jambon, beurre, etc., de côtelettes bien appétissantes et qui obtinrent un vif succès, de crème à la glace et de chocolat. A la fin, on servit un gâteau orné de cette inscription : « Mighty Atom, trois ans. » Mighty Atom (Puissant Atome) était un loulou de Poméranie, le chien de Mme Harry Lair, et pour fêter ses trois ans on avait invité tous ses amis. Les convives furent, paraît-il, d’une correction parfaite, et, le repas terminé, ils n’oublièrent pas de remercier, par quelques aboiements discrets, la maîtresse de la maison.
Il y avait jadis à Saint-Ouen un chien qui se signalait à la fois par son humeur indépendante et par sa roublardise. Il employait pour se faire nourrir un truc admirable : il suivait les enterrements. A la porte du cimetière, il s’arrêtait et attendait la sortie du cortège. Il choisissait alors un des groupes et pénétrait avec lui au cabaret, où il trouvait toujours le moyen de se faire donner quelque morceau de pain ou de fromage. En 1884, il craignit sans doute d’être brûlé à Saint-Ouen, et on ne le revit plus. Il était allé suivre les enterrements dans un autre quartier. Ce croque-mort à quatre pattes n’était qu’un habile arriviste ; mais, bien au-dessus de lui, doués d’une intelligence et d’une moralité très supérieures, certains chiens ont acquis une réputation que la plupart des hommes ambitionnent en vain, et laissé un nom, moins glorieux sans doute que celui d’Homère, d’Annibal, de Shakespeare ou de Napoléon, mais qui a eu et gardera longtemps sa place dans l’histoire.
Je ne parle pas, bien entendu, écrit d’Alméras, du chien de Jean de Nivelle, par la bonne raison que ce chien était un homme. Jean de Nivelle était le fils de Jean de Montmorency, grand chambellan de . France sous Charles VII. Au moment de la guerre dite du Bien public, guerre éminemment patriotique, il s’engagea dans le parti, opposé au roi Louis XI. Son père en éprouva une telle indignation qu’il le fit sommer à son de trompe de revenir à la bonne cause, et la sommation n’ayant eu aucun résultat, il le traita de chien. De là le dicton qui date de plus de cinq siècles et qu’on emploie souvent sans en bien connaître le sens :
C’est le chien de Jean de Nivelle
Qui s’enfuit quand on l’appelle.
Soter n’était pas un traître comme le fils de Jean de Montmorency, et, loin de s’enfuir quand on l’appelait, il montra un héroïque courage quand le pays qui l’avait vu naître eut besoin de son dévouement. Ce pays, Corinthe, entretenait une garnison canine composée de cinquante molosses, y compris Soter. Les ennemis avaient débarqué pendant la nuit et s’approchaient de la ville, avec l’espoir de la surprendre. Ils avaient compté sans les terribles molosses qui faisaient bonne garde et qui se précipitèrent à leur rencontre, aussitôt qu’ils les entendirent. Dans le combat qui s’engagea entre les ennemis et les chiens, quarante-neuf de ces derniers furent tués. Il ne resta que Soter, qui revint à la ville, réveilla par ses aboiements furieux les soldats, les entraîna vers le rivage et leur permit ainsi de repousser les envahisseurs. Le Sénat de Corinthe fut reconnaissant. Il donna au molosse qui venait de se signaler non seulement par sa vaillance, mais par sa présence d’esprit, un collier d’argent qui portait cette inscription : « Soter, défenseur et sauveur de Corinthe. »
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Le chien Moustache
Bien longtemps après, un lévrier nommé Mustapha se distingua si bien à la bataille de Fontenoy qu’il eut l’honneur d’être présenté au roi d’Angleterre, George II, et gratifié par lui d’une pension alimentaire. Sous la Révolution et sous l’Empire, les chiens se montrèrent aussi héroïques que les hommes. Ce n’est pas peu dire. La race canine eut ses Hoche et ses Marceau. Le plus célébré de tous ces guerriers fut Moustache, caniche de son métier. Comme Soter, il évita au camp français une surprise de l’ennemi. En récompense de cette action d’éclat, il reçut chaque jour une portion de grenadier et, ce qui dut lui être moins sensible, il obtint, sans l’avoir désirée ni sollicitée, la faveur d’être peigné et tondu par le perruquier du régiment. Minette eut moins de réputation et cependant Minette se signala à Sébastopol et à Solférino, autant que Moustache à Austerlitz. Quand elle mourut, chargée d’années, à quinze ans, ses funérailles furent célébrées avec pompe et beaucoup de soldats, la traitant en vieille camarade, y assistèrent.
Comment se fait-il, pourrait me demander un ami des bêtes, poursuit d’Alméras, qu’on n’ait jamais songé à gratifier de distinctions honorifiques des chiens si méritants alors qu’on les accorde si facilement à des hommes qui n’y ont aucune espèce de droit ? Eh bien, il y a eu un chien décoré, mais pas en France où pourtant on abuse des décorations, en Angleterre. Ce chien décoré s’appelait Bob. Il avait pris part comme Minette à la guerre de Crimée, et tant qu’elle dura, on le vit, infirmier volontaire, s’installer près des blessés, les lécher, et témoigner par ses regards affectueux et par ses caresses du chagrin que lui causait leur état. Bob prenait au sérieux son rôle de consolateur et il ne touchait pour le jouer aucun traitement. Heureusement, la reconnaissance, au moins à l’égard des chiens, n’est pas un vain mot. On s’aperçut des procédés délicats et des soins dévoués de Bob. On lui donna une médaille d’honneur et on inscrivit son nom sur les registres du régiment, pour qu’il pût répondre à l’appel. La guerre terminée, il figura à son rang à la revue passée à Londres devant la reine Victoria et, avec sa médaille, ce n’était pas lui qui avait la moins fière mine.
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Beaucoup de chiens ont été d’excellents acteurs, je n’ose pas dire d’excellents cabots. Un des derniers en date s’appelait Moustache, comme le héros dont nous parlions tout à l’heure, et il jouait au théâtre de la Gaîté, en 1902, dans une opérette de Décourcelle et Varney, le Chien du régiment. Il aboyait si bien son rôle que le public chaque soir l’applaudissait à tout rompre et que les autres acteurs commençaient à en être jaloux. Je m’étonne qu’on ne l’ait pas empoisonné. Caniches, carlins, bouledogues, ratiers ou levrettes, certains chiens n’ont été célèbres que grâce à leurs maîtres. Chien de grand homme, c’est encore un moyen d’arriver à la postérité.
Saladin, un lévrier kirghiz de Samarkand, fut l’ami de Stéphane Mallarmé et lui doit un rayon de gloire. Bitume, dont la race était indécise, partagea la bonne et la mauvaise fortune d’Emile Goudeau. Barrès eut, entre autres chiens, devenus des chiens importants et exceptionnels par le seul fait qu’ils lui appartenaient, le danois Porthos et le caniche Simon, fils d’une certaine Frimousse, dont Jules Lemaître parla dans un de ses articles.
Quant à Pain-Perdu, le chien de Mistral, c’était une bête quasi fantastique, trouvée par le grand poète et à propos de laquelle il écrivait : « Comme Pain-Perdu (c’est le nom d’un vieux troubadour, que je donnai au dernier venu) à certaines allures mystérieuses et cabalistiques ; comme, à certains moments, il tourne sur lui-même vertigineusement en se mordant la queue ; comme parfois il me regarde avec des yeux humains étonnamment perçants ; et comme il n’appartient à aucune des races connues dans le pays, j’ai fini, Dieu me pardonne, par me persuader que quelque bon ancêtre avait choisi cet avatar pour me protéger, qui sait ? dans quelque danger à venir. »
Dernière édition par claudius59 le Dim 18 Mai - 7:03, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Louchébem : l’argot des bouchers du XIXème siècle.
Les bouchers du XIXème siècle avaient un langage bien à eux : le louchébem dont seuls quelques mots sont passés dans le langage courant.
Le Louchébem (parfois écrit loucherbem) était l’argot des bouchers parisiens du XIXème siècle, quand de grands abattoirs (notamment ceux du quartier de La Villette) existaient encore dans Paris.
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Si comme tout langage codé il peut paraître assez opaque au premier abord, la construction du vocabulaire est en fait très logique et permet une compréhension assez aisée dès lors qu’on en possède les clés.
Voici comment se construisent les mots en Louchébem :
1.la ou les consonnes du début du mot sont placées à la fin
2.on place la lettre « L » au début
3.on ajoute un suffixe. Il en existe plusieurs : -em, -oc/oque, -uche, -ic, -é, etc.
On comprend vite la signification du mot « louchébem » et pourquoi il donne son nom à l’argot des… bouchers :
BOUCHER > OUCHÉB > LOUCHÉB > LOUCHÉBEM
Langage essentiellement oral, le louchébem s’écrit de manière phonétique. Voici quelques exemples de mots de l’époque :
■femme : lamfé (l-am-f-é)
■fou : loufoque (l-ou-f-oque)
■morceau : lorceaumic (l-orceau-m-ic)
■gigot : ligogem (l-igo-g-em)
■etc.
Le louchébem est encore parfois pratiqué de nos jours dans le domaine de la boucherie, mais seuls quelques mots sont passés en français dans le langage courant, par exemple :
■loufoque (fou)
■en loucedé (en douce)
Les bouchers du XIXème siècle avaient un langage bien à eux : le louchébem dont seuls quelques mots sont passés dans le langage courant.
Le Louchébem (parfois écrit loucherbem) était l’argot des bouchers parisiens du XIXème siècle, quand de grands abattoirs (notamment ceux du quartier de La Villette) existaient encore dans Paris.
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Si comme tout langage codé il peut paraître assez opaque au premier abord, la construction du vocabulaire est en fait très logique et permet une compréhension assez aisée dès lors qu’on en possède les clés.
Voici comment se construisent les mots en Louchébem :
1.la ou les consonnes du début du mot sont placées à la fin
2.on place la lettre « L » au début
3.on ajoute un suffixe. Il en existe plusieurs : -em, -oc/oque, -uche, -ic, -é, etc.
On comprend vite la signification du mot « louchébem » et pourquoi il donne son nom à l’argot des… bouchers :
BOUCHER > OUCHÉB > LOUCHÉB > LOUCHÉBEM
Langage essentiellement oral, le louchébem s’écrit de manière phonétique. Voici quelques exemples de mots de l’époque :
■femme : lamfé (l-am-f-é)
■fou : loufoque (l-ou-f-oque)
■morceau : lorceaumic (l-orceau-m-ic)
■gigot : ligogem (l-igo-g-em)
■etc.
Le louchébem est encore parfois pratiqué de nos jours dans le domaine de la boucherie, mais seuls quelques mots sont passés en français dans le langage courant, par exemple :
■loufoque (fou)
■en loucedé (en douce)
alain90- president d hippodrome
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RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Bicyclette (La) : loisir asservissant la société du futur XXe siècle ?
(D’après « Le Gaulois », n° du 12 juin 1895)
A la fin du XIXe siècle, l’imposant engouement pour la bicyclette suscite sur le ton ironique et provocateur chez Jospeh Montet, qui avait assisté aux premiers tours de roues du vélocipède en bois, l’étrange crainte d’assister à l’asservissement progressif d’une société par cet engin d’un nouveau type : à ses yeux, ruinant la vie de famille et enrayant tout effort intellectuel, le phénomène est en passe de faire de nous un peuple de bicyclistes, et le XXe siècle qui s’annonce alors, celui de la seule évolution de cette machine infernale...
Je n’en fais pas. Mais je peux en parler. J’en parlerai même, s’il vous plaît, avec quelque liberté, comme d’une vieille connaissance, ayant connu son grand-père, il y a vingt-cinq ans. Son grand-père s’appelait le vélocipède. Il était en bois. Cet aïeul eut, quelques années après la guerre [1870-1871], un fils en acier, qui s’appela le bicycle. Et, du bicycle, naquit la bicyclette, reine du jour.
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Vélocipède
Donc, j’ai connu le vélocipède en bois, chef de la dynastie. Ses roues en bois, cerclées de fer, comme des roues de voiture, étaient de petits chefs-d’œuvre de charronnerie élégante, sveltes, éclatantes de jolie peinture rouge, jaune ou bleue, suivant l’humeur du cavalier qui pouvait y manifester ses états d’âme. Il y avait même le vélocipède noir, à filets d’or, pour mélancolies distinguées et cossues.
« Et ceci se passait dans des temps très anciens ! » C’était en 1868 et 1869. Mes souvenirs sont bien précis. Un détail, douloureux depuis huit jours à ma mémoire, en souligne les contours. Je revois ce pauvre Léon Robert, l’inspecteur général de l’Université, qui vient de mourir et dont la malfaisante imbécillité d’un reportage hasardeux a failli souiller le nom, je le revois, jeune professeur à peine évadé de l’Ecole normale, s’essoufflant à sillonner, sur une de ces antiques machines, les avenues, plantées d’ormes séculaires, dont s’encadrait le frais décor de ma ville natale. J’étais son élève, en rhétorique. Et, un quart d’heure après la classe du soir, franchissant les barrières de l’octroi, avec une bande de camarades, j’avais l’orgueil de croiser, vacillant sur un vélocipède d’enfant, mon maître humilié au rang d’élève...
J’avais, moi, une machine de grande taille : un mètre dix. Et là-dessus, non content de fulgurer en des rush frénétiques, je me livrais, ivre de gloire, à des improvisations d’acrobatie échevelée et triomphale. D’un coup de jarret, en pleine course, je sautais debout sur ma selle, et je restais là, sur un pied, tenant le guidon d’une main, une jambe en l’air, pareil au génie de la Bastille. Quel dommage que la photographie instantanée n’ait pas existé à cette époque ! On m’aurait « pris » dans cette posture héroïque et instable. Et, samedi dernier, profitant, en réclamiste avisé, du tirage de la loterie des trente-six bêtes, j’aurais pu, pour faire la trente-septième, exposer dans la salle des dépêches du Gaulois une série d’épreuves avec cette légende : Poses plastiques, par M.J.M., sur bicycle préhistorique.
Tandis que j’en suis réduit, pour éblouir mes contemporains, à me raconter moi-même, comme un grognard rabâchant ses campagnes, à et à me faire traiter de vieille barbe, de raseur et de fossile par nos jeunes fin-de-cycle que je soupçonne de n’être pas étouffés par le sens du respect ! Il faut bien, pourtant, que je le leur dise, à ces snobs de la moderne pédale. Ils ont pu perfectionner un certain nombre de choses, outils ou accessoires, ils n’ont rien inventé. Non, rien , pas même les matchs, pas même les courses ! Une des premières courses internationales de vélocipèdes, la première peut-être, fut donnée en 1869 par lé Véloce-Club de Niort, dont j’étais président. Un joli spectacle, allègre, chatoyant et pimpant, égayé par les couleurs vives des casaques, des écharpes et des toques, tous les coureurs ayant, par ordre, adopté le costume pittoresque des jockeys... Le gagnant fut un de mes camarades de classe, un coureur de fond nommé Stephan, dont le Stéphane d’aujourd’hui n’est évidemment que le diminutif.
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Bicyclette à pneumatiques
L’élan fut donné par notre génération. La guerre l’interrompit. Puis le bicycle d’acier parut, et, après lui, la définitive et victorieuse bicyclette. Aujourd’hui qu’elle a conquis le monde, absorbé et confondu toutes les classes sociales, mêlé dans le tournoiement d’une sarabande égalitaire les collégiens et les membres de l’Institut, les généraux et les simples soldats, les princes et leurs coiffeurs, les duchesses et les trottins de leurs modistes, les anciens présidents de république et leurs chambellans retraités, les avocats et leurs secrétaires, les magistrats et leurs greffiers, et les avoués, et les agréés, et les huissiers aussi peut-être, il faut sans doute un peu d’audace pour toucher à cette puissance, devenue la première de toutes, et pour élever une voix libre dans le concert d’adulation servile et de plate courtisanerie qui monte comme un encens, chaque jour plus épais, autour de Sa Majesté la Bicyclette.
J’aurai cette audace, tranquillement. Ayant eu avec le vélocipède, l’aïeul, les étroits rapports que j’ai dits, j’ai quelque droit de tutoyer un peu cette petite. Et d’abord, je répondrai à l’objection commode et prévue : « Vous n’en faites pas ; donc vous n’avez pas le droit d’en parler ! » Je ’en fais pas, mais j’en pourrais faire. J’en ferai demain, si le coeur m’en dit. La preuve, c’est que j’en ai fait hier, oui, comme cela, tout de go, sans initiation préalable aux mystères du culte. A la campagne où j’habite, un camarade de mon fils était venu le voir en bicyclette. La machine étant à la porte, et l’avenue déserte, la fantaisie me prit d’en essayer. Les deux gamins s’entre-regardèrent. Je sentis qu’ils se tirebouchonnaient intérieurement et que seul le respect de mes quarante-deux ans les empêchait d’extérioriser cette forme hélicoïdale de leur joie.
Le fait est qu’après vingt-cinq années de repos et avec l’inexpérience absolue du nouveau modèle l’aventure était peut-être risquée. J’enfourchai pourtant la bicyclette et... du premier élan, je partis comme un zèbre. J’allai d’une traite au bout de l’avenue, profitai d’un carrefour pour tourner sans mettre pied à terre, et revins descendre devant ma porte, jetant d’un geste dédaigneux, aux mains de mes témoins ironiques changés en palefreniers obséquieux, les rênes, je veux dire le guidon de ma monture...
Sur cette simple expérience, je ferais le pari d’être, dans vingt-quatre heures, en état de faire au Bois un persil à « tuer » tous les jeunes perroquets qui rabâchent nos anciennes épopées (celles du grand Cycle) et d’exécuter, dans huit jours, des virages dans une soucoupe. Je puis donc parler de la sacro-sainte bicyclette, et, s’il me plaît, lui dire son fait. Je lui dirai en déclarant qu’elle passe les bornes, celles au-delà desquelles François Ponsard affirmait qu’il n’est plus de limites, et que le besoin se fait sentir d’une catégorique réaction.
Je comprends tous les sports. Je les approuve même. Ils sont l’indispensable condition de la santé physique et, par conséquent, de la santé morale qu’Horace lui associa en un vers assez connu pour que les ferblantiers eux-mêmes me dispensent de la citer. A ce titre, la gymnastique, l’escrime, l’équitation, le canotage, toutes les formes de l’exercice qui, en assouplissant et tonifiant le corps, rétablissent chez les citadins cérébralement surmenés l’équilibre, souvent compromis, entre la vie musculaire et la vie nerveuse, sont à louer, à encourager, à propager. La seule condition est que, par un abus que je n’hésite pas à qualifier de stupide, elles n’absorbent pas la totalité de l’énergie vitale dont la pensée a quelque droit de réclamer sa part.
Voyez-vous d’ici un peuple exclusivement composé de tireurs d’aviron, d’écuyers, d’escrimeurs ou d’acrobates ? Eh bien ! On est en train de faire de nous un peuple de cyclistes. Aux yeux de l’histoire, cela risque d’être insuffisant. Je ne plaisante pas. Vous connaissez la rage du cyclisme. Elle est stupéfiante, formidable, apocalyptique. La véhémence du cas sollicite l’inquiétude de la science. Elle ne relève plus de la mode, mais de la tératologie. Vous en doutez ? Pour chasser le doute, un coup d’œil vous suffira. Regardez le type du « Monsieur qui fait de la bicyclette ».
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Tour de bicyclette en famille
Il est légion. Vous n’avez donc que l’embarras du choix. Prenez-en un, au hasard, un exemplaire quelconque, et voyez-le sur sa machine, ployé en deux, hypnotisé, béant, le regard vide, anéanti dans l’ivresse de cette unique, idéale et surnaturelle fonction : « manger du chemin ! » Il est tout le monde, vous dis-je. Depuis un an, comme tout Parisien, j’ai retrouvé une vingtaine d’amis, perdus de vue, que, sur la foi des rumeurs publiques, je croyais avocats, journalistes, professeurs, fabricants de pâtes alimentaires ou médecins. Et à chacun, pensant m’enquérir d’une chose intéressante, leur vie morale, intellectuelle, artistique, sociale, j’ai posé naïvement la même question : « Que faites-vous ? » Et tous, l’œil brillant du même feu sombre, m’ont répondu immédiatement, sans hésiter, comme la seule réponse à laquelle restât façonné leur verbe : « Je fais de la bicyclette ! »
Et, en effet, ils « font tous de la bicyclette ». Et tous de la même façon exclusive, hallucinante et forcenée. La profession, pour eux, n’est plus qu’une chose secondaire, accessoire, bêtement indispensable, qui permet de vivre et, par conséquent, de « faire de la bicyclette ». Le bureau, le barreau, l’atelier, le cabinet, l’usine ne sont plus que des geôles momentanées et de plus en plus odieuses où l’on se prépare, parce qu’il le faut bien, le moyen de « faire de la bicyclette ».
Le ménage n’existe plus : le « tandem » l’a remplacé. La famille agonise, supplantée par le tricycle à six places. La vie intellectuelle est arrêtée. Consultez les éditeurs. Ils ont, sur leurs comptoirs, les lugubres accoudements de Marius aux ruines de Minturnes. Ils vous déclarent, entre deux sanglots, que le métier est fini, qu’on ne lit plus, et que c’est la bicyclette qui en est la cause. Et, leur désespoir copiant la candeur de Gribouille, ils se suicident en faisant eux-mêmes de la bicyclette !
Et je frémis en songeant au lamentable et ridicule hiatus que ce phénomène inouï prépare à l’histoire de la pensée humaine. Je vois la production intellectuelle arrêtée par lui pendant des années, un siècle peut-être, baptisé par la postérité le siècle du Cyclisme, et, pour toute cette période remplie par l’évolution de la seule bicyclette, le Larousse de l’avenir réduit à remplacer la liste de nos gloires nationales par des mentions dans le goût de celle-ci :
– Théophile Hugo, né en 1902 (ce siècle avait deux ans), célèbre cycliste français ; battit en 1920, par 7 seconde 1/8, le record des mille kilomètres, jusqu’alors détenu par un Allemand, le comte Wilhelm de Bismark, etc.
– Anselme Pasteur, né en 1906, célèbre vélocipédiste français, dit le roi du Pneu, connu par ses géniales recherches sur le microbe du caoutchouc, etc.
– Anatole Félix Faure, né en 1904, illustre cycliste français, président de la république internationale des cycles, etc.
Et, devant cette folie accapareuse et mangeuse d’un peuple, du premier tendon de ses jarrets au dernier ressort de son âme, j’ai, nouveau Jean de Patmos, cette vision d’une angoissante ironie : la fuite vertigineuse et macabre d’une génération disparaissant sans laisser de trace, roulée vers l’horizon du néant par un ouragan silencieux et fantastique, strié des éclairs qu’allument encore, aux jantes d’acier des routes, les suprêmes lueurs de l’intelligence humaine à son déclin...
Bicyclette (La) : loisir asservissant la société du futur XXe siècle ?
(D’après « Le Gaulois », n° du 12 juin 1895)
A la fin du XIXe siècle, l’imposant engouement pour la bicyclette suscite sur le ton ironique et provocateur chez Jospeh Montet, qui avait assisté aux premiers tours de roues du vélocipède en bois, l’étrange crainte d’assister à l’asservissement progressif d’une société par cet engin d’un nouveau type : à ses yeux, ruinant la vie de famille et enrayant tout effort intellectuel, le phénomène est en passe de faire de nous un peuple de bicyclistes, et le XXe siècle qui s’annonce alors, celui de la seule évolution de cette machine infernale...
Je n’en fais pas. Mais je peux en parler. J’en parlerai même, s’il vous plaît, avec quelque liberté, comme d’une vieille connaissance, ayant connu son grand-père, il y a vingt-cinq ans. Son grand-père s’appelait le vélocipède. Il était en bois. Cet aïeul eut, quelques années après la guerre [1870-1871], un fils en acier, qui s’appela le bicycle. Et, du bicycle, naquit la bicyclette, reine du jour.
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Vélocipède
Donc, j’ai connu le vélocipède en bois, chef de la dynastie. Ses roues en bois, cerclées de fer, comme des roues de voiture, étaient de petits chefs-d’œuvre de charronnerie élégante, sveltes, éclatantes de jolie peinture rouge, jaune ou bleue, suivant l’humeur du cavalier qui pouvait y manifester ses états d’âme. Il y avait même le vélocipède noir, à filets d’or, pour mélancolies distinguées et cossues.
« Et ceci se passait dans des temps très anciens ! » C’était en 1868 et 1869. Mes souvenirs sont bien précis. Un détail, douloureux depuis huit jours à ma mémoire, en souligne les contours. Je revois ce pauvre Léon Robert, l’inspecteur général de l’Université, qui vient de mourir et dont la malfaisante imbécillité d’un reportage hasardeux a failli souiller le nom, je le revois, jeune professeur à peine évadé de l’Ecole normale, s’essoufflant à sillonner, sur une de ces antiques machines, les avenues, plantées d’ormes séculaires, dont s’encadrait le frais décor de ma ville natale. J’étais son élève, en rhétorique. Et, un quart d’heure après la classe du soir, franchissant les barrières de l’octroi, avec une bande de camarades, j’avais l’orgueil de croiser, vacillant sur un vélocipède d’enfant, mon maître humilié au rang d’élève...
J’avais, moi, une machine de grande taille : un mètre dix. Et là-dessus, non content de fulgurer en des rush frénétiques, je me livrais, ivre de gloire, à des improvisations d’acrobatie échevelée et triomphale. D’un coup de jarret, en pleine course, je sautais debout sur ma selle, et je restais là, sur un pied, tenant le guidon d’une main, une jambe en l’air, pareil au génie de la Bastille. Quel dommage que la photographie instantanée n’ait pas existé à cette époque ! On m’aurait « pris » dans cette posture héroïque et instable. Et, samedi dernier, profitant, en réclamiste avisé, du tirage de la loterie des trente-six bêtes, j’aurais pu, pour faire la trente-septième, exposer dans la salle des dépêches du Gaulois une série d’épreuves avec cette légende : Poses plastiques, par M.J.M., sur bicycle préhistorique.
Tandis que j’en suis réduit, pour éblouir mes contemporains, à me raconter moi-même, comme un grognard rabâchant ses campagnes, à et à me faire traiter de vieille barbe, de raseur et de fossile par nos jeunes fin-de-cycle que je soupçonne de n’être pas étouffés par le sens du respect ! Il faut bien, pourtant, que je le leur dise, à ces snobs de la moderne pédale. Ils ont pu perfectionner un certain nombre de choses, outils ou accessoires, ils n’ont rien inventé. Non, rien , pas même les matchs, pas même les courses ! Une des premières courses internationales de vélocipèdes, la première peut-être, fut donnée en 1869 par lé Véloce-Club de Niort, dont j’étais président. Un joli spectacle, allègre, chatoyant et pimpant, égayé par les couleurs vives des casaques, des écharpes et des toques, tous les coureurs ayant, par ordre, adopté le costume pittoresque des jockeys... Le gagnant fut un de mes camarades de classe, un coureur de fond nommé Stephan, dont le Stéphane d’aujourd’hui n’est évidemment que le diminutif.
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Bicyclette à pneumatiques
L’élan fut donné par notre génération. La guerre l’interrompit. Puis le bicycle d’acier parut, et, après lui, la définitive et victorieuse bicyclette. Aujourd’hui qu’elle a conquis le monde, absorbé et confondu toutes les classes sociales, mêlé dans le tournoiement d’une sarabande égalitaire les collégiens et les membres de l’Institut, les généraux et les simples soldats, les princes et leurs coiffeurs, les duchesses et les trottins de leurs modistes, les anciens présidents de république et leurs chambellans retraités, les avocats et leurs secrétaires, les magistrats et leurs greffiers, et les avoués, et les agréés, et les huissiers aussi peut-être, il faut sans doute un peu d’audace pour toucher à cette puissance, devenue la première de toutes, et pour élever une voix libre dans le concert d’adulation servile et de plate courtisanerie qui monte comme un encens, chaque jour plus épais, autour de Sa Majesté la Bicyclette.
J’aurai cette audace, tranquillement. Ayant eu avec le vélocipède, l’aïeul, les étroits rapports que j’ai dits, j’ai quelque droit de tutoyer un peu cette petite. Et d’abord, je répondrai à l’objection commode et prévue : « Vous n’en faites pas ; donc vous n’avez pas le droit d’en parler ! » Je ’en fais pas, mais j’en pourrais faire. J’en ferai demain, si le coeur m’en dit. La preuve, c’est que j’en ai fait hier, oui, comme cela, tout de go, sans initiation préalable aux mystères du culte. A la campagne où j’habite, un camarade de mon fils était venu le voir en bicyclette. La machine étant à la porte, et l’avenue déserte, la fantaisie me prit d’en essayer. Les deux gamins s’entre-regardèrent. Je sentis qu’ils se tirebouchonnaient intérieurement et que seul le respect de mes quarante-deux ans les empêchait d’extérioriser cette forme hélicoïdale de leur joie.
Le fait est qu’après vingt-cinq années de repos et avec l’inexpérience absolue du nouveau modèle l’aventure était peut-être risquée. J’enfourchai pourtant la bicyclette et... du premier élan, je partis comme un zèbre. J’allai d’une traite au bout de l’avenue, profitai d’un carrefour pour tourner sans mettre pied à terre, et revins descendre devant ma porte, jetant d’un geste dédaigneux, aux mains de mes témoins ironiques changés en palefreniers obséquieux, les rênes, je veux dire le guidon de ma monture...
Sur cette simple expérience, je ferais le pari d’être, dans vingt-quatre heures, en état de faire au Bois un persil à « tuer » tous les jeunes perroquets qui rabâchent nos anciennes épopées (celles du grand Cycle) et d’exécuter, dans huit jours, des virages dans une soucoupe. Je puis donc parler de la sacro-sainte bicyclette, et, s’il me plaît, lui dire son fait. Je lui dirai en déclarant qu’elle passe les bornes, celles au-delà desquelles François Ponsard affirmait qu’il n’est plus de limites, et que le besoin se fait sentir d’une catégorique réaction.
Je comprends tous les sports. Je les approuve même. Ils sont l’indispensable condition de la santé physique et, par conséquent, de la santé morale qu’Horace lui associa en un vers assez connu pour que les ferblantiers eux-mêmes me dispensent de la citer. A ce titre, la gymnastique, l’escrime, l’équitation, le canotage, toutes les formes de l’exercice qui, en assouplissant et tonifiant le corps, rétablissent chez les citadins cérébralement surmenés l’équilibre, souvent compromis, entre la vie musculaire et la vie nerveuse, sont à louer, à encourager, à propager. La seule condition est que, par un abus que je n’hésite pas à qualifier de stupide, elles n’absorbent pas la totalité de l’énergie vitale dont la pensée a quelque droit de réclamer sa part.
Voyez-vous d’ici un peuple exclusivement composé de tireurs d’aviron, d’écuyers, d’escrimeurs ou d’acrobates ? Eh bien ! On est en train de faire de nous un peuple de cyclistes. Aux yeux de l’histoire, cela risque d’être insuffisant. Je ne plaisante pas. Vous connaissez la rage du cyclisme. Elle est stupéfiante, formidable, apocalyptique. La véhémence du cas sollicite l’inquiétude de la science. Elle ne relève plus de la mode, mais de la tératologie. Vous en doutez ? Pour chasser le doute, un coup d’œil vous suffira. Regardez le type du « Monsieur qui fait de la bicyclette ».
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Tour de bicyclette en famille
Il est légion. Vous n’avez donc que l’embarras du choix. Prenez-en un, au hasard, un exemplaire quelconque, et voyez-le sur sa machine, ployé en deux, hypnotisé, béant, le regard vide, anéanti dans l’ivresse de cette unique, idéale et surnaturelle fonction : « manger du chemin ! » Il est tout le monde, vous dis-je. Depuis un an, comme tout Parisien, j’ai retrouvé une vingtaine d’amis, perdus de vue, que, sur la foi des rumeurs publiques, je croyais avocats, journalistes, professeurs, fabricants de pâtes alimentaires ou médecins. Et à chacun, pensant m’enquérir d’une chose intéressante, leur vie morale, intellectuelle, artistique, sociale, j’ai posé naïvement la même question : « Que faites-vous ? » Et tous, l’œil brillant du même feu sombre, m’ont répondu immédiatement, sans hésiter, comme la seule réponse à laquelle restât façonné leur verbe : « Je fais de la bicyclette ! »
Et, en effet, ils « font tous de la bicyclette ». Et tous de la même façon exclusive, hallucinante et forcenée. La profession, pour eux, n’est plus qu’une chose secondaire, accessoire, bêtement indispensable, qui permet de vivre et, par conséquent, de « faire de la bicyclette ». Le bureau, le barreau, l’atelier, le cabinet, l’usine ne sont plus que des geôles momentanées et de plus en plus odieuses où l’on se prépare, parce qu’il le faut bien, le moyen de « faire de la bicyclette ».
Le ménage n’existe plus : le « tandem » l’a remplacé. La famille agonise, supplantée par le tricycle à six places. La vie intellectuelle est arrêtée. Consultez les éditeurs. Ils ont, sur leurs comptoirs, les lugubres accoudements de Marius aux ruines de Minturnes. Ils vous déclarent, entre deux sanglots, que le métier est fini, qu’on ne lit plus, et que c’est la bicyclette qui en est la cause. Et, leur désespoir copiant la candeur de Gribouille, ils se suicident en faisant eux-mêmes de la bicyclette !
Et je frémis en songeant au lamentable et ridicule hiatus que ce phénomène inouï prépare à l’histoire de la pensée humaine. Je vois la production intellectuelle arrêtée par lui pendant des années, un siècle peut-être, baptisé par la postérité le siècle du Cyclisme, et, pour toute cette période remplie par l’évolution de la seule bicyclette, le Larousse de l’avenir réduit à remplacer la liste de nos gloires nationales par des mentions dans le goût de celle-ci :
– Théophile Hugo, né en 1902 (ce siècle avait deux ans), célèbre cycliste français ; battit en 1920, par 7 seconde 1/8, le record des mille kilomètres, jusqu’alors détenu par un Allemand, le comte Wilhelm de Bismark, etc.
– Anselme Pasteur, né en 1906, célèbre vélocipédiste français, dit le roi du Pneu, connu par ses géniales recherches sur le microbe du caoutchouc, etc.
– Anatole Félix Faure, né en 1904, illustre cycliste français, président de la république internationale des cycles, etc.
Et, devant cette folie accapareuse et mangeuse d’un peuple, du premier tendon de ses jarrets au dernier ressort de son âme, j’ai, nouveau Jean de Patmos, cette vision d’une angoissante ironie : la fuite vertigineuse et macabre d’une génération disparaissant sans laisser de trace, roulée vers l’horizon du néant par un ouragan silencieux et fantastique, strié des éclairs qu’allument encore, aux jantes d’acier des routes, les suprêmes lueurs de l’intelligence humaine à son déclin...
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Le père Noël n’est pas né de l’imagination publicitaire de Coca-Cola
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Contrairement à une légende urbaine, l’image du vieillard rondouillet vêtu de rouge et blanc existait bien avant que Coca-Cola ne l’utilise !
Une légende urbaine veut que Coca-Cola et sa propagande publicitaire soient à l’origine, depuis les années 1930, de la représentation du père Noël : un vieillard barbu sympathique, rondouillet et vêtu d’un costume rouge à fourrure blanche.
Une publicité de Coca-Cola avec le père Noël en 1931
En fait, Santa Claus, nom américain du père Noël, est lui-même inspiré du saint Nicolas européen. Un personnage dont la barbe est un attribut depuis bien longtemps. C’est l’illustrateur de presse new-yorkais Thomas Nast qui, dans les années 1860, semble avoir posé les bases de la représentation actuelle du père Noël : barbu, rond, jovial, vêtu de rouge et de fourrures…
Une gravure du père Noël par Thomas Nast en 1881
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Un dessin de Santa Claus par Thomas Nast (1866)
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Cette image rassurante et confortable sera bien vite réappropriée par de nombreux publicitaires américains pour mettre en scène le père Noël et leurs produits, dès le tout début du XXème siècle. Victor, Colgate, Coleman, Michelin, Texaco et bien d’autres s’y sont essayé avant Coca-Cola :
Pour pour les gramophones Victor utilisant le père Noël (1908)Pub américaine pour Michelin utilisant le père Noël (1919)
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Ce n’est visiblement qu’à partir de 1930 que les publicitaires du fabricant de soda auront la judicieuse idée d’insister sur la couleur rouge commune à Coca-Cola et au père Noël : le dessinateur Haddon Sundblom représenta ce dernier en train de boire la célèbre boisson ! L’hégémonie publicitaire de la boisson gazeuse fera le reste pour imposer dans le monde l’image d’un père Noël prétendument aux couleurs de Coca-Cola.
Le site américain de Coca-Cola propose à télécharger de nombreuses affiches publicitaires d’époque figurant le père Noël.
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Contrairement à une légende urbaine, l’image du vieillard rondouillet vêtu de rouge et blanc existait bien avant que Coca-Cola ne l’utilise !
Une légende urbaine veut que Coca-Cola et sa propagande publicitaire soient à l’origine, depuis les années 1930, de la représentation du père Noël : un vieillard barbu sympathique, rondouillet et vêtu d’un costume rouge à fourrure blanche.
Une publicité de Coca-Cola avec le père Noël en 1931
En fait, Santa Claus, nom américain du père Noël, est lui-même inspiré du saint Nicolas européen. Un personnage dont la barbe est un attribut depuis bien longtemps. C’est l’illustrateur de presse new-yorkais Thomas Nast qui, dans les années 1860, semble avoir posé les bases de la représentation actuelle du père Noël : barbu, rond, jovial, vêtu de rouge et de fourrures…
Une gravure du père Noël par Thomas Nast en 1881
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Un dessin de Santa Claus par Thomas Nast (1866)
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Cette image rassurante et confortable sera bien vite réappropriée par de nombreux publicitaires américains pour mettre en scène le père Noël et leurs produits, dès le tout début du XXème siècle. Victor, Colgate, Coleman, Michelin, Texaco et bien d’autres s’y sont essayé avant Coca-Cola :
Pour pour les gramophones Victor utilisant le père Noël (1908)Pub américaine pour Michelin utilisant le père Noël (1919)
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Ce n’est visiblement qu’à partir de 1930 que les publicitaires du fabricant de soda auront la judicieuse idée d’insister sur la couleur rouge commune à Coca-Cola et au père Noël : le dessinateur Haddon Sundblom représenta ce dernier en train de boire la célèbre boisson ! L’hégémonie publicitaire de la boisson gazeuse fera le reste pour imposer dans le monde l’image d’un père Noël prétendument aux couleurs de Coca-Cola.
Le site américain de Coca-Cola propose à télécharger de nombreuses affiches publicitaires d’époque figurant le père Noël.
RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Date d'inscription : 16/12/2012
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Absinthe (L’) remise à flots ou la revanche de la fée verte
(D’après « L’Année scientifique et industrielle », paru en 1862)
Le 15 décembre 2010, le Parlement abrogeait la loi du 16 mars 1915 qui interdisait aux producteurs français d’utiliser l’étiquette « absinthe » et leur imposait d’accoler sur leur produits « boisson spiritueuse aux plantes d’absinthe ». En 1862, L’Année scientifique et industrielle relatait les méfaits de l’absinthe et se faisait déjà l’écho d’une demande d’interdiction 50 ans avant sa mise en œuvre effective.
Si le consommateur d’absinthe qui fait de cette boisson un usage habituel n’est pas forcément voué à une fin terrible, on peut affirmer qu’il est menacé d’une déchéance morale aussi désastreuse que les désordres physiques, car elle s’adresse à la meilleure partie de l’homme, à son intelligence, à son cœur, à sa volonté. Chez le buveur habituel de cette liqueur, l’intelligence s’affaisse et fait place à l’hébétude ; un égoïsme brutal remplace de justes affections ; sa volonté est maîtrisée par un irrésistible entraînement vers les dégradantes satisfactions de l’ivresse. L’homme qui se distinguait naguère par de brillantes facultés intellectuelles perd cette intelligence qui faisait sa force, et dont la possession intégrale était la condition de son existence et de celle de sa famille ; l’artisan boit dans la coupe de l’absinthe le poison qui doit le rendre impropre à gagner le pain de sa femme et de ses enfants , pendant qu’il délaisse son foyer pour le cabaret, la misère s’assied à la place qu’il abandonne. « Il faut plus d’argent, a dit Franklin, pour nourrir un vice que pour élever trois enfants ».
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Absinthe Blanche
Pour arrêter les ravages qu’exerce autour de nous cette dangereuse liqueur, que faut-il faire ? Le temps est passé où, à Sparte, on enivrait des esclaves pour inspirer aux citoyens et aux enfants le dégoût de l’ivresse. D’un autre côté, une interdiction administrative serait certainement impuissante pour arrêter dans le public les progrès de ce fléau de notre époque. Le seul recours qui reste ici, c’est de multiplier les leçons et les conseils de l’hygiène populaire. Que le public soit bien prévenu des dangers aux-quels il s’expose ; que l’ouvrier puisse entendre souvent des voix amies et prudentes qui l’avertissent du danger et l’aident à l’écarter. C’est là un devoir que tout homme éclairé est appelé à remplir dans la mesure de ses forces. Et quel bonheur n’apporte pas l’accomplissement de ce devoir !
Quelques réflexions faites par le journal l’Akhbar sur le sujet qui vient de nous occuper ne seront pas lues sans intérêt : « On s’est ému avec raison des progrès de ce fléau, et le Sénat, dans sa dernière session, a été saisi d’une demande à fin d’interdiction de l’absinthe en France, produit qui contient les quantités alcooliques au titre le plus élevé, 70 à 72 degrés, et que l’on accuse, avec quelque raison, d’exercer l’influence la plus funeste sur l’organisme humain. Cette pétition a été prise en considération par le Sénat, et renvoyée à l’examen du ministre de l’intérieur.
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Angelot buvant de l’absinthe dans un verr
« Aussitôt grand émoi parmi les partisans de ce breuvage et dans le monde industriel qui s’occupe tout spécialement de sa fabrication ; il semblait que déjà l’interdiction était décrétée ; on déplorait que les populations n’eussent plus le droit de s’empoisonner. Chacun sait que l’absinthe tue les plus robustes constitutions, énerve les plus mâles courages ; mais n’importe ; quand une fois on a porté à ses lèvres la coupe empoisonnée, on veut l’y porter encore jusqu’à ce qu’un tremblement nerveux saisisse la main coupable et lui ôte la possibilité de continuer ses fonctions meurtrières. On guérit de tout, excepté de la maladie de l’absinthe, dit la Feuille commerciale de Cette, qui répète que ce breuvage a tué en Afrique plus de soldats que les balles d’Abd-el-Kader. Aussi, dit-elle encore, c’est rendre un grand service à l’humanité que d’en interdire l’usage, si c’est possible.
« Quelques journaux se sont demandé si le pouvoir avait le droit d’interdire l’usage de l’absinthe ; nous le croyons et nous affirmons même que c’est pour lui un devoir en présence des ravages que cause cette liqueur : ravages qui proviennent non seulement des quantités alcooliques, mais des ingrédients qui entrent dans sa composition ou sa couleur, et qui en font trop souvent une détestable , drogue, près de laquelle l’acide sulfurique serait du sirop de sucre ».
Absinthe (L’) remise à flots ou la revanche de la fée verte
(D’après « L’Année scientifique et industrielle », paru en 1862)
Le 15 décembre 2010, le Parlement abrogeait la loi du 16 mars 1915 qui interdisait aux producteurs français d’utiliser l’étiquette « absinthe » et leur imposait d’accoler sur leur produits « boisson spiritueuse aux plantes d’absinthe ». En 1862, L’Année scientifique et industrielle relatait les méfaits de l’absinthe et se faisait déjà l’écho d’une demande d’interdiction 50 ans avant sa mise en œuvre effective.
Si le consommateur d’absinthe qui fait de cette boisson un usage habituel n’est pas forcément voué à une fin terrible, on peut affirmer qu’il est menacé d’une déchéance morale aussi désastreuse que les désordres physiques, car elle s’adresse à la meilleure partie de l’homme, à son intelligence, à son cœur, à sa volonté. Chez le buveur habituel de cette liqueur, l’intelligence s’affaisse et fait place à l’hébétude ; un égoïsme brutal remplace de justes affections ; sa volonté est maîtrisée par un irrésistible entraînement vers les dégradantes satisfactions de l’ivresse. L’homme qui se distinguait naguère par de brillantes facultés intellectuelles perd cette intelligence qui faisait sa force, et dont la possession intégrale était la condition de son existence et de celle de sa famille ; l’artisan boit dans la coupe de l’absinthe le poison qui doit le rendre impropre à gagner le pain de sa femme et de ses enfants , pendant qu’il délaisse son foyer pour le cabaret, la misère s’assied à la place qu’il abandonne. « Il faut plus d’argent, a dit Franklin, pour nourrir un vice que pour élever trois enfants ».
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Absinthe Blanche
Pour arrêter les ravages qu’exerce autour de nous cette dangereuse liqueur, que faut-il faire ? Le temps est passé où, à Sparte, on enivrait des esclaves pour inspirer aux citoyens et aux enfants le dégoût de l’ivresse. D’un autre côté, une interdiction administrative serait certainement impuissante pour arrêter dans le public les progrès de ce fléau de notre époque. Le seul recours qui reste ici, c’est de multiplier les leçons et les conseils de l’hygiène populaire. Que le public soit bien prévenu des dangers aux-quels il s’expose ; que l’ouvrier puisse entendre souvent des voix amies et prudentes qui l’avertissent du danger et l’aident à l’écarter. C’est là un devoir que tout homme éclairé est appelé à remplir dans la mesure de ses forces. Et quel bonheur n’apporte pas l’accomplissement de ce devoir !
Quelques réflexions faites par le journal l’Akhbar sur le sujet qui vient de nous occuper ne seront pas lues sans intérêt : « On s’est ému avec raison des progrès de ce fléau, et le Sénat, dans sa dernière session, a été saisi d’une demande à fin d’interdiction de l’absinthe en France, produit qui contient les quantités alcooliques au titre le plus élevé, 70 à 72 degrés, et que l’on accuse, avec quelque raison, d’exercer l’influence la plus funeste sur l’organisme humain. Cette pétition a été prise en considération par le Sénat, et renvoyée à l’examen du ministre de l’intérieur.
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Angelot buvant de l’absinthe dans un verr
« Aussitôt grand émoi parmi les partisans de ce breuvage et dans le monde industriel qui s’occupe tout spécialement de sa fabrication ; il semblait que déjà l’interdiction était décrétée ; on déplorait que les populations n’eussent plus le droit de s’empoisonner. Chacun sait que l’absinthe tue les plus robustes constitutions, énerve les plus mâles courages ; mais n’importe ; quand une fois on a porté à ses lèvres la coupe empoisonnée, on veut l’y porter encore jusqu’à ce qu’un tremblement nerveux saisisse la main coupable et lui ôte la possibilité de continuer ses fonctions meurtrières. On guérit de tout, excepté de la maladie de l’absinthe, dit la Feuille commerciale de Cette, qui répète que ce breuvage a tué en Afrique plus de soldats que les balles d’Abd-el-Kader. Aussi, dit-elle encore, c’est rendre un grand service à l’humanité que d’en interdire l’usage, si c’est possible.
« Quelques journaux se sont demandé si le pouvoir avait le droit d’interdire l’usage de l’absinthe ; nous le croyons et nous affirmons même que c’est pour lui un devoir en présence des ravages que cause cette liqueur : ravages qui proviennent non seulement des quantités alcooliques, mais des ingrédients qui entrent dans sa composition ou sa couleur, et qui en font trop souvent une détestable , drogue, près de laquelle l’acide sulfurique serait du sirop de sucre ».
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Claudius
J'ai eu l'occasion d'en boire pour la première fois il y a peu chez des potes et on peut dire que c'est "spécial". Elle vient d'Espagne car le degré est plus important (70 ou 80°). Tu vois, je ne me rappelle même plus
RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Jeux de la Tarasque : le coeur de Tarascon bat pour un dragon
Relatant les jeux de la Tarasque se déroulant en 1846, un chroniqueur du temps nous explique qu’alors, au milieu de cette population en rumeur, à entendre ces cris de fête, à voir ces costumes d’un autre temps, l’on pourrait se croire en plein Moyen Age. Et d’ajouter : « Vous auriez beau ressusciter à Paris le dragon de saint Marcel, à Vendôme le dragon de saint Bienheuré, à Rouen la gargouille, à Reims la kraulla, à Poitiers la grande Gueule ou la bonne sainte Vermine, à Troyes la Chair salée, à Metz la Grouille, etc., vous n’exciteriez pas le délire et l’enthousiasme qui exaltent ces imaginations méridionales, quand on leur crie que la tarasque va courir !
Il semblerait que c’est hier qu’ils ont été délivrés, par un miracle, du monstre antédiluvien qui ravageait le littoral des Bouches-du-Rhône, rapporte encore ce témoin des réjouissances de l’année 1846 liées à l’ancestrale légende de la Tarasques ; que c’est hier que sainte Marthe est venue exprès de la Palestine pour éteindre ses fureurs avec quelques gouttes d’eau bénite ; et que, dans la procession qui aura lieu plus tard pour célébrer les vertus de leur céleste libératrice, les Tarasconais seront persuadés qu’ils la voient elle-même conduire en laisse, avec un ruban, cette espèce de crocodile ou de saurien, dont l’appétit ne pouvait se satisfaire qu’avec de petits enfants, voire même avec des adultes.
Le monstre a existé, poursuit notre chroniqueur ; vous avez au moins une de ses vertèbres dans les fossiles de Cuvier. Sans croire pieusement à tous les détails de la légende de sainte Marthe, je crois au monstre avec tous les géologues modernes ; et je ne consens nullement à partager l’opinion de ces savants archéologues qui voient dans les jeux de la tarasque une allégorie mystique, où le paganisme est représenté par un dragon, et le christianisme par une vierge armée de l’aspersoir.
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La Tarasque
Le roi René arrangea en roi littérateur ces divertissements populaires ; il y ajouta quelques scènes, et les remit en faveur, comme fit Shakespeare pour les vieilles pièces du théâtre anglais ; mais il respecta la tradition, et n’inventa rien ; il n’inventa surtout pas la tarasque, serpent de l’espèce de celui que le chevalier Gozon détruisit à Rhodes, qui avait réellement habité les environs de Tarascon, et qui, d’après une autre légende manuscrite, fut tué par un chasseur artésien ; exploit qui valut à la famille d’Arlatan le privilège de prélever un droit sur la récolte annuelle du kermès.
Quelle que soit l’origine de ces jeux, nous apprend encore l’auteur de ce récit paru dans l’Illustration à la demande du rédacteur de la revue, ils ont été exécutés cette année à Tarascon avec une pompe extraordinaire. On eût dit que les Tarasconais, en voyant les rails de deux chemins de fer se croiser sur leur ville, pressentaient que c’en était fait des vieilles traditions, des vieux usages, des vieilles fêtes, et qu’avec la civilisation nouvelle il n’y aurait bientôt plus place pour la tarasque elle-même sur la place publique ; ils semblaient lui adresser un solennel adieu ; et quelque jour, nous le pensons nous-même, le spectacle que nous voudrions esquisser ne conservera d’autres vestiges que les lithographies de l’Illustration. Mais déjà on entend les fifres et les tambourins ; allons voir défiler la bravade : c’est le prologue de la pièce, la revue préliminaire des personnages principaux.
Où nous placer ? Il n’est que neuf heures du matin, et la foule encombre toutes les rues : les fenêtres sont garnies de dames, les toits ont leurs spectateurs, et tous les gradins des échafauds attestent, par la diversité des costumes, que plus de trente mille curieux sont arrivés de vingt lieues à la ronde : la belle juive d’Avignon n’a pas eu peur d’être insultée, comme la Rébecca de Walter Scott au tournoi d’Ashby-la-Zouche ; la protestante des Cévennes a oublié ses rigueurs puritaines ; elle a les yeux aussi animés que l’Arlésienne, qui est doublement fière de se sentir la plus belle de toutes par ses charmes naturels et l’élégance de sa toilette.
Ce serait une douce occupation d’étudier ces spectatrices si fraîches et si bien parées... ; Mais voici le cortège. En tête marchent les héros du jour, les tarascaïres ou chevaliers de la tarasque, sur deux rangs ; ils sont trente environ, précédés de leur chef qui porte le bâton du commandement, et suivis de leur drapeau, sur lequel est représentée la tarasque. Leur costume brille par la dentelle et la soie ; à leur écharpe en sautoir pend l’image de la tarasque, décoration dont ils sont plus glorieux qu’un grand d’Espagne de l’image de la Toison d’or ; leur cocarde est rouge et bleue, ce sont les couleurs de la tarasque.
A la grande satisfaction des fabricants de Nîmes et de Saint-Étienne, il s’est débité depuis la veille je ne sais combien de mètres de rubans de cette nuance : chaque tarascaïre en décore le nerf de bœuf et la longue fusée qui arment ses mains ; il en distribue a ses amis et à ses hôtes, aussi prodigue de ces faveurs bicolores que les héritiers constitutionnels de l’empereur du ruban de sa Légion d’honneur.
Après les chevaliers de la tarasque vient un corps de musique, c’est-à-dire, de tambourins et de fifres appartenant à la corporation des vignerons, que vous voyez avec les ustensiles de leur travail, des ceps de vignes, des gourdes, des barillets, etc. Les derniers de ces enfants de Noé traînent une corde qui servira à la cérémonie. Ils sont suivis de quatre hommes, dont deux portent un baril connu sous le nom de bouto embriagou (le tonneau d’ivresse) ; les deux autres ont sur l’épaule de longues barres.
La coiffure des deux premiers est burlesquement composée avec le fond de leurs sacs, que les deux autres ont plié autour du buste. Après eux se déploie encore une bannière, et puis vous reconnaissez les jardiniers, qui se sont munis de toute espèce de plantes potagères, de choux monstres, d’artichauts ; quelques-uns ont préféré des faisceaux de fleurs ; celui-ci porte un arrosoir, celui-là une pompe, et les trois derniers ont tressé une longue guirlande en rameaux de buis. Qui prend rang après les horticulteurs ? La houlette indique que ce sont les bergers, dont l’un porte un barillet rempli de cette espèce d’huile qu’on extrait du genévrier, et appelée ici oli de cadi.
Aux bergers succèdent les ménagers ou agriculteurs, y compris les charretiers et les garçons de ferme. Un second groupe de tambours et de fifres complète le cortège, qui, avant de défiler, est allé entendre la messe à Sainte-Marthe. Un repas de corps attend les diverses corporations ; mais quand une heure sonnera, elles seront toutes à leur poste.
A une heure après-midi, a lieu la première course de la tarasque. Lagadeou, lagadeou ! la tarascou, la tarascou ! Lagadeou, lagadidadeou, la tarascou, lou casteou ! (le château) Lagadeou ! est le cri traditionnel qui annonce l’approche du monstre : lagadeou ! mot sacramentel qui ferait tressaillir un Tarasconais, n’importe dans quel lieu du monde vous le prononceriez ; lagadeou ! mot talismatique dont se servira l’ange du jugement dernier, pour ressusciter toutes les générations qui dorment dans le cimetière de Tarascon. Le château (lou casteou !) est encore un cri local, le château de Tarascon étant l’unique monument de la ville, un modèle d’architecture militaire qui, par sa date et son style, appartient au règne du bon roi René.
Une explosion d’artifices annonce bientôt la tarasque elle-même sur la place de la Mairie, où la foule frémissante l’appelle par ses cris. A son aspect, les acclamations redoublent. Les mères montrent à leurs enfants cet animal extraordinaire, masse informe, abritée sous une carapace d’où sort une tête de dragon, jetant par les naseaux des gerbes de feu.
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Procession de la Tarasque
Quelques tarascaïres, cachés dans les entrailles de la tarasque, ont soin d’entretenir ce souffle infernal avec leurs fusées ; d’autres, poussant le monstre, lui prêtent une agilité extraordinaire ; mais il faut se garder surtout de sa queue, longue poutre qui se meut en tout sens, et qui a plus d’une fois cassé bras et jambes ; car ce jeu est sérieux pour ceux sur qui la tarasque se retourne tout à coup à l’improviste ; et c’est alors que la tarasque a bien fait (a ben fa), comme on dit du taureau qui blesse ou tue un toréador ; c’est alors qu’on crie plus haut : Lagadeou ! la tarascou !...
Heureusement, cette année, le nombre des boiteux et des manchots de Tarascon ne s’est pas augmenté. La tarasque a décrit toutes ses évolutions avec toute sa fureur traditionnelle ; mais les fuyards ont couru plus vite qu’elle ; ceux qui l’ont poursuivie se sont toujours écartés à propos, ou ils en ont été quittes pour, quelques contusions.
La bouto-embriagou n’a pas non plus envoyé beaucoup d’estropiés à l’hôpital. Pendant que la tarasque se repose de sa première sortie, les hommes aux sacs et aux barres, qui sont des portefaix, courent avec leur tonnelet suspendu à la corde ; ils renversent tous ceux qui se laissent toucher par leurs barres et par la bouto-embriagou, dont l’oscillation continuelle rend cette course assez originale.
Un épisode invite tout à coup au recueillement au milieu du tumulte. Notre-Dame des Pâtres vient en personne assister à la fête, escortée de ceux que nous avons vus défiler avec leurs houlettes. Notre-Dame se présente sur l’animal qui eut l’honneur de servir de monture à la sainte famille lorsqu’elle se réfugia en Egypte. Notre-Dame elle-même a pris la forme d’une petite fille toute rayonnante, d’une innocente beauté, d’une petite fille jolie comme on raconte que l’était Marie enfant, dans l’évangile apocryphe de la Vierge.
Deux gracieuses figures du même âge, que la coquetterie maternelle a couvertes de bijoux, sont assises avec elle sur le trône en baldaquin qu’on a artistement fixé sur l’ânesse. Admirez-les sans profane indiscrétion ; car, dans le cortège des bergers, il en est un de qui il faut vous défier, celui qui porte la provision d’huile visqueuse avec laquelle on goudronne la laine des moutons hargneux. Pendant que vous êtes là à vous ébahir, le nez au vent, il trempe une baguette dans son huile et vous la passe sur la lèvre supérieure, de manière à y laisser une sale et puante moustache. Les rieurs ne seront pas de votre côté, si vous êtes la victime de cette grossière malice.
Tenez-vous aussi à une distance prudente des ouvriers qui viennent piocher la terre et y planter leurs ceps. Il en est deux qui traînent chacun un bout de la corde dont ils se sont servis pour délimiter le champ du travail. Au moment où la foule se serre autour de ces vignerons, la corde se déploie, et ses replis tendus s’ouvrent pour fouetter les jambes des badauds, qui se renversent les uns sur les autres.
La musique annonce une autre scène : c’est l’enfant Jésus qui a voulu, lui aussi, comme sa mère, venir voir les jeux de la tarasque. En l’absence de l’ânesse, il a accepté l’offre du robuste personnage à qui sa complaisance pour l’enfant divin a valu le nom grec de Christophe (Christo-Phore) et le titre de patron des portefaix. Saint Christophe, avec sa robe de soie fanée, semble avoir été autrefois un grand seigneur ruiné ; le petit Jésus, intronisé sur ses larges épaules, a tout le luxe d’un enfant de sang royal, le diadème sur le front, et en main la croix qui a sauvé le monde.
L’enfant se sert de sa croix pour bénir les fidèles ; mais saint Christophe, dont la statue herculéenne est placée ordinairement au vestibule des églises, se conduit en vrai saint d’antichambre : il s’est armé d’un balai terminé par une touffe d’orties, et, sous prétexte de nettoyer la voie publique pour son divin fardeau , il s’adresse aux jambes dés curieux. Les cris de la mauvaise humeur des patients, comme les joyeux éclats de rire, se perdent, dans la musique des tambourins et des fifres qui précèdent l’enfant au céleste sourirent le géant goguenard.
Les jardiniers ont aussi leur intermède : ils ont orné une charrette d’un dôme de feuillage et de fleurs, sous lequel ils s’abritent ; vraie décoration à l’italienne, digne de la ville où l’on admire à bon droit la tonnelle de M. Audibert, le Vilmorin et le Loudon de la Provence. A ce char triomphal sont attelées des mules, animal employé ici à tous les travaux agricoles. Tout à coup elles partent au galop. Malheur à ceux qui se trouvent sur leur passage ! ce n’est pas seulement qu’ils risquent d’être écrasés, mais les jardiniers, qui ont avec eux leurs arrosoirs et leurs pompes, font tomber au loin une pluie d’orage.
A l’averse déterre succède la trombe marine, lorsqu’un autre char en forme de bateau, connu sous le nom de l’Esturgeon, signale la présence des mariniers du Rhône dans la fête. Les pompes des bateaux lancent leur déluge plus haut que les pompes des jardiniers. Si vous n’avez été qu’arrosé une première fois, vous êtes noyé une seconde.
Les malices des ménagers sont plus innocentes, et dignes de l’âge d’or. Il en est bien parmi eux qui, feignant de prendre votre soif en pitié, vous invitent à donner l’accolade à leur calebasse, et, l’approchant eux-mêmes de vos lèvres, vous inondent au lieu de vous désaltérer ; mais la plupart se contentent de figurer sur leurs mules dans la promenade de saint Sébastien, distribuant çà et là des petits pains. A leur tête marche un timbalier, qui bat la mesure à la musique. Cette cavalcade fait sourire les spectateurs venus de Montpellier, qui disent tout bas qu’ils préfèrent à la tarasque lou Chivalé, comme on l’appelle, dans le département de l’Hérault, le cheval de la danse mauresque que j’ai vu exécuter autrefois sur la place de la Canourgue.
Peut-être les Tarasconais abandonneraient-ils à votre critique quelques détails de leurs fêtes ; mais gardez-vous bien de médire de la tarasque qui a fourni ses trois courses entre les scènes d’intermèdes ! Vous seriez traité de sacrilège et expulsé de la ville, si vous n’y étiez pendu ; car la tarasque est à la fois, pour Tarascon, ce qu’était le Palladium pour la ville de Priam, le Veau d’or pour Israël idolâtre, le dieu Bel pour les Babyloniens.
Attaquer la tarasque, c’est attaquer le Tarasconais dans ses affections, son honneur, sa religion même. Lorsque, sous la Restauration, le comte d’Artois (Charles X) passa à Tarascon, le royalisme local se manifesta en offrant au prince une petite tarasque en or !
Jeux de la Tarasque : le coeur de Tarascon bat pour un dragon
Relatant les jeux de la Tarasque se déroulant en 1846, un chroniqueur du temps nous explique qu’alors, au milieu de cette population en rumeur, à entendre ces cris de fête, à voir ces costumes d’un autre temps, l’on pourrait se croire en plein Moyen Age. Et d’ajouter : « Vous auriez beau ressusciter à Paris le dragon de saint Marcel, à Vendôme le dragon de saint Bienheuré, à Rouen la gargouille, à Reims la kraulla, à Poitiers la grande Gueule ou la bonne sainte Vermine, à Troyes la Chair salée, à Metz la Grouille, etc., vous n’exciteriez pas le délire et l’enthousiasme qui exaltent ces imaginations méridionales, quand on leur crie que la tarasque va courir !
Il semblerait que c’est hier qu’ils ont été délivrés, par un miracle, du monstre antédiluvien qui ravageait le littoral des Bouches-du-Rhône, rapporte encore ce témoin des réjouissances de l’année 1846 liées à l’ancestrale légende de la Tarasques ; que c’est hier que sainte Marthe est venue exprès de la Palestine pour éteindre ses fureurs avec quelques gouttes d’eau bénite ; et que, dans la procession qui aura lieu plus tard pour célébrer les vertus de leur céleste libératrice, les Tarasconais seront persuadés qu’ils la voient elle-même conduire en laisse, avec un ruban, cette espèce de crocodile ou de saurien, dont l’appétit ne pouvait se satisfaire qu’avec de petits enfants, voire même avec des adultes.
Le monstre a existé, poursuit notre chroniqueur ; vous avez au moins une de ses vertèbres dans les fossiles de Cuvier. Sans croire pieusement à tous les détails de la légende de sainte Marthe, je crois au monstre avec tous les géologues modernes ; et je ne consens nullement à partager l’opinion de ces savants archéologues qui voient dans les jeux de la tarasque une allégorie mystique, où le paganisme est représenté par un dragon, et le christianisme par une vierge armée de l’aspersoir.
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La Tarasque
Le roi René arrangea en roi littérateur ces divertissements populaires ; il y ajouta quelques scènes, et les remit en faveur, comme fit Shakespeare pour les vieilles pièces du théâtre anglais ; mais il respecta la tradition, et n’inventa rien ; il n’inventa surtout pas la tarasque, serpent de l’espèce de celui que le chevalier Gozon détruisit à Rhodes, qui avait réellement habité les environs de Tarascon, et qui, d’après une autre légende manuscrite, fut tué par un chasseur artésien ; exploit qui valut à la famille d’Arlatan le privilège de prélever un droit sur la récolte annuelle du kermès.
Quelle que soit l’origine de ces jeux, nous apprend encore l’auteur de ce récit paru dans l’Illustration à la demande du rédacteur de la revue, ils ont été exécutés cette année à Tarascon avec une pompe extraordinaire. On eût dit que les Tarasconais, en voyant les rails de deux chemins de fer se croiser sur leur ville, pressentaient que c’en était fait des vieilles traditions, des vieux usages, des vieilles fêtes, et qu’avec la civilisation nouvelle il n’y aurait bientôt plus place pour la tarasque elle-même sur la place publique ; ils semblaient lui adresser un solennel adieu ; et quelque jour, nous le pensons nous-même, le spectacle que nous voudrions esquisser ne conservera d’autres vestiges que les lithographies de l’Illustration. Mais déjà on entend les fifres et les tambourins ; allons voir défiler la bravade : c’est le prologue de la pièce, la revue préliminaire des personnages principaux.
Où nous placer ? Il n’est que neuf heures du matin, et la foule encombre toutes les rues : les fenêtres sont garnies de dames, les toits ont leurs spectateurs, et tous les gradins des échafauds attestent, par la diversité des costumes, que plus de trente mille curieux sont arrivés de vingt lieues à la ronde : la belle juive d’Avignon n’a pas eu peur d’être insultée, comme la Rébecca de Walter Scott au tournoi d’Ashby-la-Zouche ; la protestante des Cévennes a oublié ses rigueurs puritaines ; elle a les yeux aussi animés que l’Arlésienne, qui est doublement fière de se sentir la plus belle de toutes par ses charmes naturels et l’élégance de sa toilette.
Ce serait une douce occupation d’étudier ces spectatrices si fraîches et si bien parées... ; Mais voici le cortège. En tête marchent les héros du jour, les tarascaïres ou chevaliers de la tarasque, sur deux rangs ; ils sont trente environ, précédés de leur chef qui porte le bâton du commandement, et suivis de leur drapeau, sur lequel est représentée la tarasque. Leur costume brille par la dentelle et la soie ; à leur écharpe en sautoir pend l’image de la tarasque, décoration dont ils sont plus glorieux qu’un grand d’Espagne de l’image de la Toison d’or ; leur cocarde est rouge et bleue, ce sont les couleurs de la tarasque.
A la grande satisfaction des fabricants de Nîmes et de Saint-Étienne, il s’est débité depuis la veille je ne sais combien de mètres de rubans de cette nuance : chaque tarascaïre en décore le nerf de bœuf et la longue fusée qui arment ses mains ; il en distribue a ses amis et à ses hôtes, aussi prodigue de ces faveurs bicolores que les héritiers constitutionnels de l’empereur du ruban de sa Légion d’honneur.
Après les chevaliers de la tarasque vient un corps de musique, c’est-à-dire, de tambourins et de fifres appartenant à la corporation des vignerons, que vous voyez avec les ustensiles de leur travail, des ceps de vignes, des gourdes, des barillets, etc. Les derniers de ces enfants de Noé traînent une corde qui servira à la cérémonie. Ils sont suivis de quatre hommes, dont deux portent un baril connu sous le nom de bouto embriagou (le tonneau d’ivresse) ; les deux autres ont sur l’épaule de longues barres.
La coiffure des deux premiers est burlesquement composée avec le fond de leurs sacs, que les deux autres ont plié autour du buste. Après eux se déploie encore une bannière, et puis vous reconnaissez les jardiniers, qui se sont munis de toute espèce de plantes potagères, de choux monstres, d’artichauts ; quelques-uns ont préféré des faisceaux de fleurs ; celui-ci porte un arrosoir, celui-là une pompe, et les trois derniers ont tressé une longue guirlande en rameaux de buis. Qui prend rang après les horticulteurs ? La houlette indique que ce sont les bergers, dont l’un porte un barillet rempli de cette espèce d’huile qu’on extrait du genévrier, et appelée ici oli de cadi.
Aux bergers succèdent les ménagers ou agriculteurs, y compris les charretiers et les garçons de ferme. Un second groupe de tambours et de fifres complète le cortège, qui, avant de défiler, est allé entendre la messe à Sainte-Marthe. Un repas de corps attend les diverses corporations ; mais quand une heure sonnera, elles seront toutes à leur poste.
A une heure après-midi, a lieu la première course de la tarasque. Lagadeou, lagadeou ! la tarascou, la tarascou ! Lagadeou, lagadidadeou, la tarascou, lou casteou ! (le château) Lagadeou ! est le cri traditionnel qui annonce l’approche du monstre : lagadeou ! mot sacramentel qui ferait tressaillir un Tarasconais, n’importe dans quel lieu du monde vous le prononceriez ; lagadeou ! mot talismatique dont se servira l’ange du jugement dernier, pour ressusciter toutes les générations qui dorment dans le cimetière de Tarascon. Le château (lou casteou !) est encore un cri local, le château de Tarascon étant l’unique monument de la ville, un modèle d’architecture militaire qui, par sa date et son style, appartient au règne du bon roi René.
Une explosion d’artifices annonce bientôt la tarasque elle-même sur la place de la Mairie, où la foule frémissante l’appelle par ses cris. A son aspect, les acclamations redoublent. Les mères montrent à leurs enfants cet animal extraordinaire, masse informe, abritée sous une carapace d’où sort une tête de dragon, jetant par les naseaux des gerbes de feu.
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Procession de la Tarasque
Quelques tarascaïres, cachés dans les entrailles de la tarasque, ont soin d’entretenir ce souffle infernal avec leurs fusées ; d’autres, poussant le monstre, lui prêtent une agilité extraordinaire ; mais il faut se garder surtout de sa queue, longue poutre qui se meut en tout sens, et qui a plus d’une fois cassé bras et jambes ; car ce jeu est sérieux pour ceux sur qui la tarasque se retourne tout à coup à l’improviste ; et c’est alors que la tarasque a bien fait (a ben fa), comme on dit du taureau qui blesse ou tue un toréador ; c’est alors qu’on crie plus haut : Lagadeou ! la tarascou !...
Heureusement, cette année, le nombre des boiteux et des manchots de Tarascon ne s’est pas augmenté. La tarasque a décrit toutes ses évolutions avec toute sa fureur traditionnelle ; mais les fuyards ont couru plus vite qu’elle ; ceux qui l’ont poursuivie se sont toujours écartés à propos, ou ils en ont été quittes pour, quelques contusions.
La bouto-embriagou n’a pas non plus envoyé beaucoup d’estropiés à l’hôpital. Pendant que la tarasque se repose de sa première sortie, les hommes aux sacs et aux barres, qui sont des portefaix, courent avec leur tonnelet suspendu à la corde ; ils renversent tous ceux qui se laissent toucher par leurs barres et par la bouto-embriagou, dont l’oscillation continuelle rend cette course assez originale.
Un épisode invite tout à coup au recueillement au milieu du tumulte. Notre-Dame des Pâtres vient en personne assister à la fête, escortée de ceux que nous avons vus défiler avec leurs houlettes. Notre-Dame se présente sur l’animal qui eut l’honneur de servir de monture à la sainte famille lorsqu’elle se réfugia en Egypte. Notre-Dame elle-même a pris la forme d’une petite fille toute rayonnante, d’une innocente beauté, d’une petite fille jolie comme on raconte que l’était Marie enfant, dans l’évangile apocryphe de la Vierge.
Deux gracieuses figures du même âge, que la coquetterie maternelle a couvertes de bijoux, sont assises avec elle sur le trône en baldaquin qu’on a artistement fixé sur l’ânesse. Admirez-les sans profane indiscrétion ; car, dans le cortège des bergers, il en est un de qui il faut vous défier, celui qui porte la provision d’huile visqueuse avec laquelle on goudronne la laine des moutons hargneux. Pendant que vous êtes là à vous ébahir, le nez au vent, il trempe une baguette dans son huile et vous la passe sur la lèvre supérieure, de manière à y laisser une sale et puante moustache. Les rieurs ne seront pas de votre côté, si vous êtes la victime de cette grossière malice.
Tenez-vous aussi à une distance prudente des ouvriers qui viennent piocher la terre et y planter leurs ceps. Il en est deux qui traînent chacun un bout de la corde dont ils se sont servis pour délimiter le champ du travail. Au moment où la foule se serre autour de ces vignerons, la corde se déploie, et ses replis tendus s’ouvrent pour fouetter les jambes des badauds, qui se renversent les uns sur les autres.
La musique annonce une autre scène : c’est l’enfant Jésus qui a voulu, lui aussi, comme sa mère, venir voir les jeux de la tarasque. En l’absence de l’ânesse, il a accepté l’offre du robuste personnage à qui sa complaisance pour l’enfant divin a valu le nom grec de Christophe (Christo-Phore) et le titre de patron des portefaix. Saint Christophe, avec sa robe de soie fanée, semble avoir été autrefois un grand seigneur ruiné ; le petit Jésus, intronisé sur ses larges épaules, a tout le luxe d’un enfant de sang royal, le diadème sur le front, et en main la croix qui a sauvé le monde.
L’enfant se sert de sa croix pour bénir les fidèles ; mais saint Christophe, dont la statue herculéenne est placée ordinairement au vestibule des églises, se conduit en vrai saint d’antichambre : il s’est armé d’un balai terminé par une touffe d’orties, et, sous prétexte de nettoyer la voie publique pour son divin fardeau , il s’adresse aux jambes dés curieux. Les cris de la mauvaise humeur des patients, comme les joyeux éclats de rire, se perdent, dans la musique des tambourins et des fifres qui précèdent l’enfant au céleste sourirent le géant goguenard.
Les jardiniers ont aussi leur intermède : ils ont orné une charrette d’un dôme de feuillage et de fleurs, sous lequel ils s’abritent ; vraie décoration à l’italienne, digne de la ville où l’on admire à bon droit la tonnelle de M. Audibert, le Vilmorin et le Loudon de la Provence. A ce char triomphal sont attelées des mules, animal employé ici à tous les travaux agricoles. Tout à coup elles partent au galop. Malheur à ceux qui se trouvent sur leur passage ! ce n’est pas seulement qu’ils risquent d’être écrasés, mais les jardiniers, qui ont avec eux leurs arrosoirs et leurs pompes, font tomber au loin une pluie d’orage.
A l’averse déterre succède la trombe marine, lorsqu’un autre char en forme de bateau, connu sous le nom de l’Esturgeon, signale la présence des mariniers du Rhône dans la fête. Les pompes des bateaux lancent leur déluge plus haut que les pompes des jardiniers. Si vous n’avez été qu’arrosé une première fois, vous êtes noyé une seconde.
Les malices des ménagers sont plus innocentes, et dignes de l’âge d’or. Il en est bien parmi eux qui, feignant de prendre votre soif en pitié, vous invitent à donner l’accolade à leur calebasse, et, l’approchant eux-mêmes de vos lèvres, vous inondent au lieu de vous désaltérer ; mais la plupart se contentent de figurer sur leurs mules dans la promenade de saint Sébastien, distribuant çà et là des petits pains. A leur tête marche un timbalier, qui bat la mesure à la musique. Cette cavalcade fait sourire les spectateurs venus de Montpellier, qui disent tout bas qu’ils préfèrent à la tarasque lou Chivalé, comme on l’appelle, dans le département de l’Hérault, le cheval de la danse mauresque que j’ai vu exécuter autrefois sur la place de la Canourgue.
Peut-être les Tarasconais abandonneraient-ils à votre critique quelques détails de leurs fêtes ; mais gardez-vous bien de médire de la tarasque qui a fourni ses trois courses entre les scènes d’intermèdes ! Vous seriez traité de sacrilège et expulsé de la ville, si vous n’y étiez pendu ; car la tarasque est à la fois, pour Tarascon, ce qu’était le Palladium pour la ville de Priam, le Veau d’or pour Israël idolâtre, le dieu Bel pour les Babyloniens.
Attaquer la tarasque, c’est attaquer le Tarasconais dans ses affections, son honneur, sa religion même. Lorsque, sous la Restauration, le comte d’Artois (Charles X) passa à Tarascon, le royalisme local se manifesta en offrant au prince une petite tarasque en or !
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Claudius
Bonne semaine
Bonne semaine
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
14 mai 1610 : le roi Henri IV est assassiné par Ravaillac
(D’après « Histoire de France depuis les origines jusqu’à
nos jours » (Tome 4) par Cléophas Dareste de La Chavanne, paru en 1866)
Le 14 mai 1610, le roi Henri IV, sur le point de partir pour la guerre et cependant que la régence devait être assurée par son épouse Marie de Médicis sacrée la veille, est assassiné par François Ravaillac : présenté comme un fanatique parmi d’autres agissant sans qu’il se soit tramé un quelconque complot, le régicide est bientôt roué et écartelé, en présence d’une foule irritée qui met en pièces son cadavre
Au mois d’avril 1610, Henri IV était prêt à entrer en campagne, avec un but déterminé, mais ayant prévu toute l’extension que la guerre pouvait prendre. Il ne s’était jamais vu si fort, disposait d’une armée de trente-cinq mille hommes destinée à l’Allemagne et dont il devait prendre le commandement ; quinze mille hommes devaient se tenir prêts à entrer eu Italie sous les ordres de Lesdiguières ; il avait aussi formé le plan d’une troisième armée, destinée à entrer en Espagne sous ceux de la Force, promu au maréchalat.
Tous les commandements étaient distribués, toutes les ressources prêtes. Ses finances étaient dans un état prospère ; outre de fortes réserves dans la Bastille, il pouvait employer une plus-value certaine sur les impôts et user de toutes les voies extraordinaires que Sully avait ménagées par sa grande économie. Sully estimait les ressources disponibles à quarante-trois millions et celles qu’il pouvait se procurer à cent douze. Au moment d’entrer en lice et de jouer les armes à la main ce rôle de maître et de modérateur qu’il avait uniquement rempli jusque-là par les voies diplomatiques, Henri IV se crut assuré du succès. Il disait, en parlant de son armée : « Qu’y a-t-il au monde qui puisse résister à cela ? Que ne feraient pas deux mille gentilshommes en présence de leur roi ? Ils ébranleraient des montagnes ! »
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Assassinat du roi Henri IV
Peinture de Charles-Gustave Housez (1860)
Cependant il voulait toujours éviter de paraître l’agresseur et d’effrayer l’Europe. Il offrit aux archiducs de reconnaître la neutralité de la Belgique s’ils lui accordaient le passage pour ses troupes. Avant de recevoir une réponse, qui fut d’ailleurs favorable, il fixa son départ au 19 mai, confia la régence à la reine et lui nomma un conseil pour l’assister. Marie de Médicis désirait depuis longtemps être sacrée. Elle insista pour que cette cérémonie eût lieu avant le départ du roi. Le sacre fut célébré le 13 mai à Saint-Denis avec une pompe extraordinaire. Tous les auteurs du temps se complaisent à en décrire la magnificence. « Jamais, dit Richelieu, assemblée de noblesse ne fut si grande qu’en ce sacre, jamais de princes mieux parés, jamais les dames et les princesses plus riches en pierreries ; les cardinaux et les évêques eu troupe honorent l’assemblée, divers concerts remplissent les oreilles et les charment ; on fait largesse de pièces d’or et d’argent avec la satisfaction de tout le monde. »
Le 17, la reine devait faire à Paris une entrée solennelle ; on travaillait dans toute la ville aux préparatifs nécessaires. Le 14, Henri IV sortit du Louvre, et monta dans son carrosse pour se rendre à l’arsenal. En passant dans la rue très étroite de la Ferronnerie, un embarras de voiture arrêta les chevaux ; les gardes s’étaient écartés. Un assassin, Ravaillac, choisit ce moment pour monter sur la roue du carrosse et donner au roi deux coups de couteau. Henri IV s’affaissa sur lui-même, perdit la parole, et fut ramené évanoui au Louvre, où il expira presque aussitôt.
La nouvelle de cet attentat, répandue avec la plus grande rapidité, causa une consternation générale. Si le roi n’avait pas réussi à imposer à la France toutes ses idées, il était personnellement aimé ; le sentiment public acceptait sa rare supériorité et rendait justice à la droiture de ses intentions. Il avait conquis à la longue une popularité du meilleur aloi. On sentait aussi qu’on devait à sa fermeté un calme et un repos rendus précieux par des souvenirs trop récents pour être oubliés. Le gouvernement était entièrement dans sa main ; lui mort, tout sembla remis en péril. On se demanda ce qui resterait de lui et d’une œuvre aussi personnelle que la sienne. Jamais peut-être le sentiment public n’éclata d’une manière plus sûre, plus unanime. Malherbe, Sully, Richelieu, Fontenay-Mareuil, l’Estoile et vingt autres témoins l’ont constaté à l’envi. Chose remarquable et que l’Estoile constate également, non sans surprise, il n’y eut de trouble et d’émotion populaire nulle part.
Le meurtrier inspira partout le même sentiment d’horreur. Ravaillac n’avait pas cherché à se sauver ; on eut peine à le soustraire à la fureur du peuple. Il importait que son procès fût instruit. On songea à un complot et on lui chercha des complices. Des bruits inévitables circulèrent ; on pensa qu’il avait pu être armé par le vieux parti ligueur dont on redoutait une résurrection , ou par l’Espagne, ou par quelque personnage de la cour. Ravaillac fut officiellement considéré comme un de ces fanatiques vulgaires que les guerres de religion avaient suscités, poursuivi de l’idée que Henri IV allait faire la guerre au Pape et que cette guerre devait être prévenue par un assassinat. Livré au bourreau, il fut roué et écartelé, en présence d’une foule irritée qui se précipita avec fureur sur son cadavre, le mit en pièces et traîna ses membres déchirés.
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François Ravaillac, le couteau à la main
Estampe du XVIIe siècle de Crispin Van de Passe
On ne manqua pas de citer certains pressentiments exprimés par le roi. Ces pressentiments, auxquels l’événement fit attacher une importance naturelle, n’avaient pourtant rien que de très simple, puisque Henri IV était au moment de partir pour une guerre dont il ne pouvait déterminer la durée et qu’il venait de constituer une régence pour le temps de son absence. Mais le soin qu’on mit à les recueillir prouve les dispositions où ce coup imprévu jeta les esprits et les alarmes qu’il inspira. La mort de Henri IV ne produisit pas en Europe moins d’effet qu’en France. Son ascendant y avait sans cesse grandi ; sa supériorité y était partout reconnue. Il était aimé d’une partie des princes, redouté des autres, écouté et observé par tous. Le pape Paul V lui rendit un hommage public. On comprenait d’ailleurs que la scène du monde allait changer, dès que le principal acteur n’y était plus.
Sa popularité, déjà réelle de son vivant, agrandie sous Louis XIII, en déclin sous Louis XIV, refaite plus tard, mais altérée quelque peu, par Voltaire, est une des plus méritées qu’il y ait eu. Sully dit de lui qu’il fut la merveille des rois de son siècle. Il vante avec raison sa familiarité qui ne cessait pas d’inspirer le respect, sa clémence qui ne s’arrêta que devant les exigences d’État, sa valeur et son expérience au fait des armes, ce sens droit et juste, cette raison élevée, cet esprit pratique que les autres rois ont eus rarement à un tel degré, enfin ce tour heureux de langage et cette éloquence naturelle qui s’imposait à tout le monde.
Henri IV, en effet, voulait toujours convaincre ; son désir était que les peuples lui obéissent gaiement. Les étrangers admiraient comment il savait « donner pour compagnes aux armes les négociations, à la force l’affabilité et la clémence ». Il avait encore d’autres qualités : il respectait le droit, il comptait avec l’opinion, tout en s’efforçant de la diriger ; il évitait le bon plaisir. Il disait aux parlements : « Mes prédécesseurs vous craignaient et ne vous aimaient pas, moi, je ne vous crains pas et je vous aime. » Fontenay-Mareuil le loue du choix qu’il faisait pour les emplois. Il savait juger les hommes ; il ne se laissait pas circonvenir ; il arrêtait autour de lui ce torrent d’ambitions et de convoitises, qui, après avoir été si funeste sous Henri III, le redevint sous Louis XIII.
14 mai 1610 : le roi Henri IV est assassiné par Ravaillac
(D’après « Histoire de France depuis les origines jusqu’à
nos jours » (Tome 4) par Cléophas Dareste de La Chavanne, paru en 1866)
Le 14 mai 1610, le roi Henri IV, sur le point de partir pour la guerre et cependant que la régence devait être assurée par son épouse Marie de Médicis sacrée la veille, est assassiné par François Ravaillac : présenté comme un fanatique parmi d’autres agissant sans qu’il se soit tramé un quelconque complot, le régicide est bientôt roué et écartelé, en présence d’une foule irritée qui met en pièces son cadavre
Au mois d’avril 1610, Henri IV était prêt à entrer en campagne, avec un but déterminé, mais ayant prévu toute l’extension que la guerre pouvait prendre. Il ne s’était jamais vu si fort, disposait d’une armée de trente-cinq mille hommes destinée à l’Allemagne et dont il devait prendre le commandement ; quinze mille hommes devaient se tenir prêts à entrer eu Italie sous les ordres de Lesdiguières ; il avait aussi formé le plan d’une troisième armée, destinée à entrer en Espagne sous ceux de la Force, promu au maréchalat.
Tous les commandements étaient distribués, toutes les ressources prêtes. Ses finances étaient dans un état prospère ; outre de fortes réserves dans la Bastille, il pouvait employer une plus-value certaine sur les impôts et user de toutes les voies extraordinaires que Sully avait ménagées par sa grande économie. Sully estimait les ressources disponibles à quarante-trois millions et celles qu’il pouvait se procurer à cent douze. Au moment d’entrer en lice et de jouer les armes à la main ce rôle de maître et de modérateur qu’il avait uniquement rempli jusque-là par les voies diplomatiques, Henri IV se crut assuré du succès. Il disait, en parlant de son armée : « Qu’y a-t-il au monde qui puisse résister à cela ? Que ne feraient pas deux mille gentilshommes en présence de leur roi ? Ils ébranleraient des montagnes ! »
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Assassinat du roi Henri IV
Peinture de Charles-Gustave Housez (1860)
Cependant il voulait toujours éviter de paraître l’agresseur et d’effrayer l’Europe. Il offrit aux archiducs de reconnaître la neutralité de la Belgique s’ils lui accordaient le passage pour ses troupes. Avant de recevoir une réponse, qui fut d’ailleurs favorable, il fixa son départ au 19 mai, confia la régence à la reine et lui nomma un conseil pour l’assister. Marie de Médicis désirait depuis longtemps être sacrée. Elle insista pour que cette cérémonie eût lieu avant le départ du roi. Le sacre fut célébré le 13 mai à Saint-Denis avec une pompe extraordinaire. Tous les auteurs du temps se complaisent à en décrire la magnificence. « Jamais, dit Richelieu, assemblée de noblesse ne fut si grande qu’en ce sacre, jamais de princes mieux parés, jamais les dames et les princesses plus riches en pierreries ; les cardinaux et les évêques eu troupe honorent l’assemblée, divers concerts remplissent les oreilles et les charment ; on fait largesse de pièces d’or et d’argent avec la satisfaction de tout le monde. »
Le 17, la reine devait faire à Paris une entrée solennelle ; on travaillait dans toute la ville aux préparatifs nécessaires. Le 14, Henri IV sortit du Louvre, et monta dans son carrosse pour se rendre à l’arsenal. En passant dans la rue très étroite de la Ferronnerie, un embarras de voiture arrêta les chevaux ; les gardes s’étaient écartés. Un assassin, Ravaillac, choisit ce moment pour monter sur la roue du carrosse et donner au roi deux coups de couteau. Henri IV s’affaissa sur lui-même, perdit la parole, et fut ramené évanoui au Louvre, où il expira presque aussitôt.
La nouvelle de cet attentat, répandue avec la plus grande rapidité, causa une consternation générale. Si le roi n’avait pas réussi à imposer à la France toutes ses idées, il était personnellement aimé ; le sentiment public acceptait sa rare supériorité et rendait justice à la droiture de ses intentions. Il avait conquis à la longue une popularité du meilleur aloi. On sentait aussi qu’on devait à sa fermeté un calme et un repos rendus précieux par des souvenirs trop récents pour être oubliés. Le gouvernement était entièrement dans sa main ; lui mort, tout sembla remis en péril. On se demanda ce qui resterait de lui et d’une œuvre aussi personnelle que la sienne. Jamais peut-être le sentiment public n’éclata d’une manière plus sûre, plus unanime. Malherbe, Sully, Richelieu, Fontenay-Mareuil, l’Estoile et vingt autres témoins l’ont constaté à l’envi. Chose remarquable et que l’Estoile constate également, non sans surprise, il n’y eut de trouble et d’émotion populaire nulle part.
Le meurtrier inspira partout le même sentiment d’horreur. Ravaillac n’avait pas cherché à se sauver ; on eut peine à le soustraire à la fureur du peuple. Il importait que son procès fût instruit. On songea à un complot et on lui chercha des complices. Des bruits inévitables circulèrent ; on pensa qu’il avait pu être armé par le vieux parti ligueur dont on redoutait une résurrection , ou par l’Espagne, ou par quelque personnage de la cour. Ravaillac fut officiellement considéré comme un de ces fanatiques vulgaires que les guerres de religion avaient suscités, poursuivi de l’idée que Henri IV allait faire la guerre au Pape et que cette guerre devait être prévenue par un assassinat. Livré au bourreau, il fut roué et écartelé, en présence d’une foule irritée qui se précipita avec fureur sur son cadavre, le mit en pièces et traîna ses membres déchirés.
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Estampe du XVIIe siècle de Crispin Van de Passe
On ne manqua pas de citer certains pressentiments exprimés par le roi. Ces pressentiments, auxquels l’événement fit attacher une importance naturelle, n’avaient pourtant rien que de très simple, puisque Henri IV était au moment de partir pour une guerre dont il ne pouvait déterminer la durée et qu’il venait de constituer une régence pour le temps de son absence. Mais le soin qu’on mit à les recueillir prouve les dispositions où ce coup imprévu jeta les esprits et les alarmes qu’il inspira. La mort de Henri IV ne produisit pas en Europe moins d’effet qu’en France. Son ascendant y avait sans cesse grandi ; sa supériorité y était partout reconnue. Il était aimé d’une partie des princes, redouté des autres, écouté et observé par tous. Le pape Paul V lui rendit un hommage public. On comprenait d’ailleurs que la scène du monde allait changer, dès que le principal acteur n’y était plus.
Sa popularité, déjà réelle de son vivant, agrandie sous Louis XIII, en déclin sous Louis XIV, refaite plus tard, mais altérée quelque peu, par Voltaire, est une des plus méritées qu’il y ait eu. Sully dit de lui qu’il fut la merveille des rois de son siècle. Il vante avec raison sa familiarité qui ne cessait pas d’inspirer le respect, sa clémence qui ne s’arrêta que devant les exigences d’État, sa valeur et son expérience au fait des armes, ce sens droit et juste, cette raison élevée, cet esprit pratique que les autres rois ont eus rarement à un tel degré, enfin ce tour heureux de langage et cette éloquence naturelle qui s’imposait à tout le monde.
Henri IV, en effet, voulait toujours convaincre ; son désir était que les peuples lui obéissent gaiement. Les étrangers admiraient comment il savait « donner pour compagnes aux armes les négociations, à la force l’affabilité et la clémence ». Il avait encore d’autres qualités : il respectait le droit, il comptait avec l’opinion, tout en s’efforçant de la diriger ; il évitait le bon plaisir. Il disait aux parlements : « Mes prédécesseurs vous craignaient et ne vous aimaient pas, moi, je ne vous crains pas et je vous aime. » Fontenay-Mareuil le loue du choix qu’il faisait pour les emplois. Il savait juger les hommes ; il ne se laissait pas circonvenir ; il arrêtait autour de lui ce torrent d’ambitions et de convoitises, qui, après avoir été si funeste sous Henri III, le redevint sous Louis XIII.
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Abstention : un âne blanc appelé Nul brigue les suffrages non exprimés
(Extraits de « La Feuille », n°9, 11 et 12 parus en 1898)
Lors des élections législatives de 1898, le journaliste satirique Zo d’Axa – pseudonyme d’Alphonse Gallaud de La Pérouse et descendant de l’illustre navigateur – surnommé le « mousquetaire de l’anarchie », informe les lecteurs de son journal La Feuille, dont 25 numéros paraîtront entre octobre 1897 et mars 1899, qu’il a trouvé le candidat idéal à même de réconcilier les abstentionnistes avec le vote : un âne blanc appelé Nul. Le jour des élections, « la Bête qu’il faudrait à la Belle Démocratie » traverse Paris entourée de ses partisans, déclenchant une bagarre et entraînant l’intervention de la police
Ces élections sont pour Zo d’Axa l’occasion de consacrer trois numéros de sa Feuille à l’abstention et aux travers du système électoral, son âne offrant enfin la possibilité aux mécontents refusant d’ordinaire d’apporter leurs voix, « de voter blanc, de voter Nul, tout en se faisant entendre ».
LE CANDIDAT DE LA FEUILLE (La Feuille n°9)
Simples Réserves
J’avais toujours cru que l’abstention était le langage muet dont il convenait de se servir pour indiquer son mépris des lois et de leurs faiseurs. Voter, me disais-je, c’est se rendre complice. On prend sa part des décisions. On les ratifie d’avance. On est de la bande et du troupeau. Comment refuser de s’incliner devant la Chose légiférée si l’on accepte le principe de la loi brutale du nombre ? En ne votant pas, au contraire, il semble parfaitement logique de ne se soumettre jamais, de résister, de vivre en révolte. On n’a pas signé au contrat. En ne votant pas, on reste soi. On vit en homme que nul Tartempion ne doit se vanter de représenter. On dédaigne Tartalacrème. Alors seulement on est souverain, puisqu’on n’a pas biffé son droit, puisqu’on n’a délégué personne. On est maître de sa pensée, conscient d’une action directe. On peut faire fi des parlottes. On évite cette idiotie de s’affirmer contre le parlementarisme et d’élire, au même instant, les membres du parlement.
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Zo d’Axa, pseudonyme d’Alphonse Gallaup de La Pérouse
Je me garderai d’insister. Dans le peuple même on perd la foi : les derniers électeurs ricanent. Le paysan renonce à implorer. L’ouvrier songe à d’autres moyens… Rien de bon n’est sorti de l’Urne. Jamais, pour cause de misère, il n’y eut autant de suicides. Qu’a-t-on fait contre le chômage ? Que n’a-t-on pas fait contre la pensée ? Lois d’exception, lois scélérates… Bientôt, plus que le suffrage, le dégoût sera universel. Je tiens pour prudent de décréter vite le fameux vote obligatoire. Sans cela, au vingtième siècle, je présume que les fonctionnaires seraient seuls en carte d’électeur. Voterait, par ordre, l’état-major. Voteraient aussi les magistrats, les recors [officier de justice] et les gens de police. L’Urne, dont rien n’est sorti de bon, serait la boîte à Pandore — le gendarme.
(...)
Le plus Digne
La conquête de quelques fiefs électoraux par tels ou tels chefs de partis serait d’ailleurs insuffisante pour modifier la situation. On rêve plutôt d’une sorte de boulangisme qui permettrait aux honnêtes gens de manifester à la fois, et sans la moindre ambiguïté, sur toute la surface du pays. On voudrait qu’un cri populaire résumât les aspirations, les colères, ou, tout au moins, les mépris d’une nation qu’on a trop bernée…
C’est pénétré de cette pensée que nous sommes allé, dans sa retraite, trouver un Maître auquel personne n’avait songé, un modeste dont personne pourtant ne niera la signification précise. Aujourd’hui, l’honneur m’échoit de présenter ce maître au peuple. On l’appelle Maître Aliboron. Ceci soit pris en bonne part. L’âne pour lequel je sollicite le suffrage de mes concitoyens est un compère des plus charmants, un âne loyal et bien ferré. Poil soyeux et fin jarret, belle voix.
Un âne, vous dis-je — quatre pattes et deux grandes oreilles. Un âne qui brait et doit penser, en voyant grouiller les bipèdes,
… les juges, les huissiers,
Les clercs, les procureurs, les sergents, les greffiers ;
Ma foi, non plus que nous, l’homme n’est qu’une bête !
Un âne pas trop savant, un sage qui ne boit que de l’eau et reculerait devant un pot de vin. À cela près, le type accompli d’un député majoritard.
Votez pour Lui !
Je n’aime pas flagorner le peuple. Voilà le candidat qu’il mérite. À Rome, aux jours de la décadence, la plèbe acclamait un cheval consul. Le bourricot doit triompher en république opportuniste. N’ai-je pas parlé de boulangisme ? En bien ! oui, un boulangisme, mais sans général à panache, sans cheval hoir décoratif :
C’est un âne, un âne, un âne,
C’est un âne qu’il nous faut.
Et l’âne est prêt. Il va courir les réunions. On le verra dans les rues de Paris. Ses amis diront son programme, et les abstentionnistes eux-mêmes, pour une fois, s’en iront voter. C’est un âne blanc. Il se nomme Nul. Les bulletins blancs, les bulletins nuls, compteront enfin — et seront comptés… Tout à l’heure de grandes affiches inscriront sur les murailles le manifeste du candidat. Un comité se constitue : des écrivains, des artistes, quelques orateurs des clubs. De précieux concours sont acquis. Que les Philistins se méfient : L’Âne trotte vers le palais Bourbon.
Votez pour Lui !!
Un régime s’enterre gaîment. Ce serait se tromper, en partie, que de croire à une plaisanterie, à quelque farce montmartroise. Réactionnaires, conservateurs, socialistes désabusés, tous les lassés de cette république constituent une majorité qui peut, en souriant, s’exprimer. Il faut voter pour l’âne Nul. Nous ne nous faisons pas d’illusion : on empêchera notre élu de joindre l’écurie du quai d’Orsay. On le persécutera peut-être. La fourrière l’attend sans doute. Mais nous verrons l’autorité dont jouira la nouvelle Chambre, quand, à l’orateur faisant des effets de tribune, quelqu’un des galeries criera : — Assez ! je demande la parole pour votre collègue l’Âne blanc.
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L’âne blanc Nul
AUX ÉLECTEURS (La Feuille n°11)
Électeurs,
En me présentant à vos suffrages, je vous dois quelques mots. Les voici : De vieille famille française, j’ose le dire, je suis un âne de race, un âne dans le beau sens du mot — quatre pattes et du poil partout. Je m’appelle Nul, comme le sont mes concurrents les candidats. Je suis blanc, comme le sont nombre de bulletins qu’on s’obstinait à ne pas compter et qui, maintenant, me reviendront. Mon élection est assurée. Vous comprendrez que je parle franc.
Citoyens,
On vous trompe. On vous dit que la dernière Chambre composée d’imbéciles et de filous ne représentait pas la majorité des électeurs. C’est faux. Une chambre composée de députés jocrisses et de députés truqueurs représente, au contraire, à merveille les Électeurs que vous êtes. Ne protestez pas : une nation a les délégués qu’elle mérite.
Pourquoi les avez-vous nommés ? Vous ne vous gênez pas, entre vous, pour convenir que plus ça change et plus c’est la même chose, que vos élus se moquent de vous et ne songent qu’à leurs intérêts, à la gloriole ou à l’argent.
Pourquoi les renommerez-vous demain ? Vous savez très bien que tout un lot de ceux que vous enverrez siéger vendront leurs voix contre un chèque et feront le commerce des emplois, fonctions et bureaux de tabac. Mais pour qui les bureaux de tabac, les places, les sinécures si ce n’est pour les Comités d’électeurs que l’on paye ainsi ? Les entraîneurs des Comités sont moins naïfs que le troupeau. La Chambre représente l’ensemble. Il faut des sots et des roublards, il faut un parlement de ganaches et de Robert Macaire pour personnifier à la fois tous les votards professionnels et les prolétaires déprimés. Et ça, c’est vous !
On vous trompe, bons électeurs, on vous berne, on vous flagorne quand on vous dit que vous êtes beaux, que vous êtes la justice, le droit, la souveraineté nationale, le peuple-roi, des hommes libres. On cueille vos votes et c’est tout. Vous n’êtes que des fruits… des Poires. On vous trompe encore. On vous dit que la France est toujours la France. Ce n’est pas vrai. La France perd, de jour en jour, toute signification dans le monde — toute signification libérale. Ce n’est plus le peuple hardi, coureur de risques, semeur d’idées, briseur de culte. C’est une Marianne agenouillée devant le trône des autocrates. C’est le caporalisme renaissant plus hypocrite qu’en Allemagne — une tonsure sous le képi.
On vous trompe, on vous trompe sans cesse. On vous parle de fraternité, et jamais la lutte pour le pain ne fut plus âpre et meurtrière. On vous parle de patriotisme, de patrimoine sacré — à vous qui ne possédez rien. On vous parle de probité ; et ce sont des écumeurs de presse, des journalistes à tout faire, maîtres fourbes ou maîtres chanteurs, qui chantent l’honneur national. Les tenants de la République, les petits bourgeois, les petits seigneurs sont plus durs aux gueux que les maîtres des régimes anciens. On vit sous l’œil des contremaîtres.
Les ouvriers aveulis, les producteurs qui ne consomment pas, se contentent de ronger patiemment l’os sans moelle qu’on leur a jeté, l’os du suffrage universel. Et c’est pour des boniments, des discussions électorales qu’ils remuent encore la mâchoire — la mâchoire qui ne sait plus mordre. Quand parfois des enfants du peuple secouent leur torpeur, ils se trouvent, comme à Fourmies, en face de notre vaillante Armée… Et le raisonnement des Lebel leur met du plomb dans la tête. La Justice est égale pour tous. Les honorables chéquards du Panama roulent carrosse et ne connaissent pas le cabriolet. Mais les menottes serrent les poignets des vieux ouvriers que l’on arrête comme vagabonds !
L’ignominie de l’heure présente est telle qu’aucun candidat n’ose défendre cette Société. Les politiciens bourgeoisants, réactionnaires ou ralliés, masques ou faux-nez républicains, vous crient qu’en votant pour eux ça marchera mieux, ça marchera bien. Ceux qui vous ont déjà tout pris vous demandent encore quelque chose : Donnez vos voix, citoyens ! Les mendigots, les candidats, les tire-laine, les soutire-voix, ont tous un moyen spécial de faire et refaire le Bien public. Écoutez les braves ouvriers, les médicastres du parti : ils veulent conquérir les pouvoirs… afin de les mieux supprimer. D’autres invoquent la Révolution, et ceux-là se trompent en vous trompant. Ce ne seront jamais des électeurs qui feront la Révolution. Le suffrage universel est créé précisément pour empêcher l’action virile. Charlot s’amuse à voter…
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L’âne blanc Nul
Et puis quand même quelque incident jetterait des hommes dans la rue, quand bien même, par un coup de force, une minorité ferait acte, qu’attendre ensuite et qu’espérer de la foule que nous voyons grouiller — la foule lâche et sans pensée. Allez ! allez, gens de la foule ! Allez, électeurs ! aux urnes… Et ne vous plaignez plus. C’est assez. N’essayez pas d’apitoyer sur le sort que vous vous êtes fait. N’insultez pas, après coup, les Maîtres que vous vous donnez. Ces Maîtres vous valent, s’ils vous volent. Ils valent, sans doute, davantage ; ils valent vingt-cinq francs par jour, sans compter les petits profits. Et c’est très bien : L’Électeur n’est qu’un Candidat raté.
Au peuple du bas de laine, petite épargne, petite espérance, petits commerçants rapaces, lourd populo domestiqué, il faut Parlement médiocre qui monnaie et qui synthétise toute la vilenie nationale. Votez, électeurs ! Votez ! Le Parlement émane de vous. Une chose est parce qu’elle doit être, parce qu’elle ne peut pas être autrement. Faites la Chambre à votre image. Le chien retourne à son vomissement — retournez à vos députés…
Chers électeurs,
Finissons-en. Votez pour eux. Votez pour moi. Je suis la Bête qu’il faudrait à la Belle Démocratie. Votez tous pour l’Âne blanc Nul, dont les ruades sont plus françaises que les braiments patriotards. Les rigolos, les faux bonshommes, le jeune parti de la vieille-garde : Vervoort, Millevoye, Drumont, Thiébaud, fleurs de fumier électoral, pousseront mieux sous mon crottin. Votez pour eux, votez pour moi !
IL EST ÉLU ! (La Feuille n°12)
Bonnes Gens de la Ville, Électeurs,
Écoutez l’édifiante histoire d’un joli petit âne blanc, candidat dans la Capitale. Ce n’est pas conte de mère l’Oie, ni récit de Petit Journal. C’est une histoire véridique pour les vieux gosses qui votent encore : Un bourriquet, fils du pays de La Fontaine et de Rabelais, un âne si blanc que M. Vervoort en a mangé gloutonnement, briguait au jeu électoral un mandat de législateur.
Le jour des élections venu, ce bourriquet, candidat-type, répondant au nom clair de Nul, fit une manœuvre de la dernière heure. Par le chaud dimanche de mai où le peuple courait aux urnes, l’âne blanc, le candidat Nul, juché sur un char de triomphe et traîné par des électeurs, traversa Paris, sa bonne ville. D’aplomb sur pattes, oreilles au vent, émergeant, fier, du véhicule bariolé de ses manifestes — du véhicule à forme d’urne ! la tête haute entre le verre d’eau et la sonnette présidentielle, il passa parmi des colères et des bravos et des lazzis… L’Âne vit Paris qui le regardait.
Paris ! Le Paris qui vote, la cohue, le peuple souverain tous les quatre ans… Le peuple suffisamment nigaud pour croire que la souveraineté consiste à se nommer des maîtres. Comme parqués devant les mairies, c’était des troupeaux d’électeurs, des hébétés, des fétichistes qui tenaient le petit bulletin par lequel ils disent : J’abdique. Monsieur Un Tel les représentera. Il les représentera d’autant mieux qu’il ne représente aucune idée. Et ça ira ! On fera des lois, on balancera des budgets. Les lois seront des chaînes de plus ; les budgets, des impôts nouveaux…
Lentement, l’Âne parcourait les rues. Sur son passage, les murailles se couvraient d’affiches que placardaient des membres de son comité, tandis que d’autres distribuaient ses proclamations à la foule : « Réfléchissez, chers citoyens. Vous savez que vos élus vous trompent, vous ont trompés, vous tromperont — et pourtant vous allez voter… Votez donc pour moi ! Nommez l’Âne !… On n’est pas plus bête que vous. » Cette franchise, un peu brutale, n’était pas du goût de tout le monde.
— On nous insulte, hurlaient les uns.
— On ridiculise le suffrage universel, s’écriaient d’autres plus justement.
Quelqu’un tendit son poing vers l’âne, rageusement, et dit :
— Sale Juif !
Mais un rire fusait, sonore. On acclamait le candidat. Bravement l’électeur se moquait et de lui-même et de ses élus. Les chapeaux s’agitaient, les cannes. Des femmes ont jeté des fleurs… L’Âne passait. Il descendait du haut Montmartre, allant vers le Quartier Latin. Il traversa les grands boulevards, le Croissant où se cuisine, sans sel, l’ordinaire que vendent les gazettes, il vit les Halles où des meurt-de-faim, des hommes du Peuple-Souverain, glanent dans des tas de détritus ; les Quais où des Électeurs élisent les ponts comme logis…
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Cœur et Cerveau !… C’était Paris. C’était ça la Démocratie ! On est tous frères, vieux vagabonds ! Plaignez le bourgeois ! il a la goutte… et c’est votre frère, gens sans pain, homme sans travail et mère lasse qui, ce soir, rentrerez chez vous pour mourir avec les petits… On est tous frères, jeune conscrit ! C’est ton frère, l’officier, là-bas, corset de fille et front barré. Salue ! Fixe ! la main dans le rang… Le Code te guette — le Code militaire. Douze balles dans la peau pour un geste. C’est le tarif Républicain.
L’Âne arrivait devant le Sénat. Il longea le Palais d’où le poste sortit en bousculade ; il suivit extérieurement, hélas ! les jardins trop verts. Puis ce fut le boulevard Saint-Michel. À la terrasse des cafés, des jeunes gens battaient des mains. La foule sans cesse grossissante s’arrachait les proclamations. Des étudiants s’attelaient au char, un professeur poussait aux roues… Or, comme trois heures sonnaient, apparurent des gens de police. Depuis dix heures du matin, de poste en commissariat, le télégraphe et le téléphone signalaient le passage étrange de l’animal subversif. L’ordre d’amener était lancé : Arrêtez l’Âne ! Et, maintenant, les sergents du guet barraient la route au candidat. Près de la place Saint-Michel, le fidèle comité de Nul fut sommé par la force armée de reconduire son client au plus proche commissariat. Naturellement le Comité passa outre — il passa la Seine. Et bientôt le char faisait halte devant le Palais de Justice.
Plus nombreux, les sergents de ville cernaient l’Âne blanc, impassible. Le Candidat était arrêté à la porte de ce Palais de Justice d’où les députés, les chéquards, tous les grands voleurs sortent libres. Parmi le flot populaire, le char avait des mouvements de roulis. Les agents, brigadier en tête, avaient saisi les brancards et s’étaient passé la bricole. Le Comité n’insistait plus : il harnachait les sergents de ville… Ainsi fut lâché l’âne blanc par ses plus chauds partisans. Tel un vulgaire politicien, l’animal avait mal tourné. La police le remorquait, l’Autorité guidait sa route… Dès cet instant, Nul n’était qu’un candidat officiel ! Ses amis ne le connaissaient plus. La porte de la Préfecture ouvrait ses larges battants — et l’âne entra comme chez lui.
Aujourd’hui si nous en causons c’est pour faire remarquer au peuple, peuple de Paris et des Campagnes, ouvriers, paysans, bourgeois, fiers Citoyens, chers Seigneurs, c’est pour faire assavoir à tous que l’âne blanc Nul est élu. Il est élu à Paris. Il est élu en Province. Additionnez les bulletins blancs et comptez les bulletins nuls, ajoutez-y les abstentions, voix et silences qui normalement se réunissent pour signifier ou le dégoût ou le mépris. Un peu de statistique s’il vous plaît, et vous constaterez facilement que, dans toutes les circonscriptions, le monsieur proclamé frauduleusement député n’a pas le quart des suffrages. De là, pour les besoins de la cause, cette locution imbécile : Majorité relative — autant vaudrait dire que, la nuit, il fait jour relativement.
Aussi bien l’incohérent, le brutal Suffrage Universel qui ne repose que sur le nombre — et n’a pas même pour lui le nombre — périra dans le ridicule. À propos des élections de France, les gazettes du monde entier ont, sans malice, rapproché les deux faits notoires de la journée : « Dès le matin, vers neuf heures, M. Félix Faure allait voter. Dans l’après-midi, à trois heures, l’Âne blanc était arrêté. » J’ai lu ça dans trois cents journaux. L’Argus et le Courrier de la Presse m’ont encombré de leurs coupures. Il y en avait en anglais, en valaque, en espagnol ; toujours pourtant je comprenais. — Chaque fois que je lisais Félix, j’étais sûr qu’on parlait de l’âne.
A noter :
Dans l’Anthologie de La Feuille, parue en 1900 sous le titre Les Feuilles, l’éditeur ajoute ici une note : « Durant la période électorale l’affiche-programme fut réellement placardée sur les murailles, et le jour du scrutin le candidat satirique traversa réellement Paris, de Montmartre au quartier Latin, fendant la foule enthousiaste ou scandalisée qui manifestait bruyamment. Boulevard du Palais, l’âne fut dûment appréhendé par la police qui se mit en devoir de traîner son char pour le conduire en fourrière, et s’il n’y eut alors bagarre entre les partisans de l’Âne et les représentants de l’Ordre c’est bien, ainsi que le contèrent les journaux de l’époque, grâce au rédacteur de la Feuille qui s’écria : — N’insistons pas, c’est maintenant un candidat officiel ! »
Abstention : un âne blanc appelé Nul brigue les suffrages non exprimés
(Extraits de « La Feuille », n°9, 11 et 12 parus en 1898)
Lors des élections législatives de 1898, le journaliste satirique Zo d’Axa – pseudonyme d’Alphonse Gallaud de La Pérouse et descendant de l’illustre navigateur – surnommé le « mousquetaire de l’anarchie », informe les lecteurs de son journal La Feuille, dont 25 numéros paraîtront entre octobre 1897 et mars 1899, qu’il a trouvé le candidat idéal à même de réconcilier les abstentionnistes avec le vote : un âne blanc appelé Nul. Le jour des élections, « la Bête qu’il faudrait à la Belle Démocratie » traverse Paris entourée de ses partisans, déclenchant une bagarre et entraînant l’intervention de la police
Ces élections sont pour Zo d’Axa l’occasion de consacrer trois numéros de sa Feuille à l’abstention et aux travers du système électoral, son âne offrant enfin la possibilité aux mécontents refusant d’ordinaire d’apporter leurs voix, « de voter blanc, de voter Nul, tout en se faisant entendre ».
LE CANDIDAT DE LA FEUILLE (La Feuille n°9)
Simples Réserves
J’avais toujours cru que l’abstention était le langage muet dont il convenait de se servir pour indiquer son mépris des lois et de leurs faiseurs. Voter, me disais-je, c’est se rendre complice. On prend sa part des décisions. On les ratifie d’avance. On est de la bande et du troupeau. Comment refuser de s’incliner devant la Chose légiférée si l’on accepte le principe de la loi brutale du nombre ? En ne votant pas, au contraire, il semble parfaitement logique de ne se soumettre jamais, de résister, de vivre en révolte. On n’a pas signé au contrat. En ne votant pas, on reste soi. On vit en homme que nul Tartempion ne doit se vanter de représenter. On dédaigne Tartalacrème. Alors seulement on est souverain, puisqu’on n’a pas biffé son droit, puisqu’on n’a délégué personne. On est maître de sa pensée, conscient d’une action directe. On peut faire fi des parlottes. On évite cette idiotie de s’affirmer contre le parlementarisme et d’élire, au même instant, les membres du parlement.
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Zo d’Axa, pseudonyme d’Alphonse Gallaup de La Pérouse
Je me garderai d’insister. Dans le peuple même on perd la foi : les derniers électeurs ricanent. Le paysan renonce à implorer. L’ouvrier songe à d’autres moyens… Rien de bon n’est sorti de l’Urne. Jamais, pour cause de misère, il n’y eut autant de suicides. Qu’a-t-on fait contre le chômage ? Que n’a-t-on pas fait contre la pensée ? Lois d’exception, lois scélérates… Bientôt, plus que le suffrage, le dégoût sera universel. Je tiens pour prudent de décréter vite le fameux vote obligatoire. Sans cela, au vingtième siècle, je présume que les fonctionnaires seraient seuls en carte d’électeur. Voterait, par ordre, l’état-major. Voteraient aussi les magistrats, les recors [officier de justice] et les gens de police. L’Urne, dont rien n’est sorti de bon, serait la boîte à Pandore — le gendarme.
(...)
Le plus Digne
La conquête de quelques fiefs électoraux par tels ou tels chefs de partis serait d’ailleurs insuffisante pour modifier la situation. On rêve plutôt d’une sorte de boulangisme qui permettrait aux honnêtes gens de manifester à la fois, et sans la moindre ambiguïté, sur toute la surface du pays. On voudrait qu’un cri populaire résumât les aspirations, les colères, ou, tout au moins, les mépris d’une nation qu’on a trop bernée…
C’est pénétré de cette pensée que nous sommes allé, dans sa retraite, trouver un Maître auquel personne n’avait songé, un modeste dont personne pourtant ne niera la signification précise. Aujourd’hui, l’honneur m’échoit de présenter ce maître au peuple. On l’appelle Maître Aliboron. Ceci soit pris en bonne part. L’âne pour lequel je sollicite le suffrage de mes concitoyens est un compère des plus charmants, un âne loyal et bien ferré. Poil soyeux et fin jarret, belle voix.
Un âne, vous dis-je — quatre pattes et deux grandes oreilles. Un âne qui brait et doit penser, en voyant grouiller les bipèdes,
… les juges, les huissiers,
Les clercs, les procureurs, les sergents, les greffiers ;
Ma foi, non plus que nous, l’homme n’est qu’une bête !
Un âne pas trop savant, un sage qui ne boit que de l’eau et reculerait devant un pot de vin. À cela près, le type accompli d’un député majoritard.
Votez pour Lui !
Je n’aime pas flagorner le peuple. Voilà le candidat qu’il mérite. À Rome, aux jours de la décadence, la plèbe acclamait un cheval consul. Le bourricot doit triompher en république opportuniste. N’ai-je pas parlé de boulangisme ? En bien ! oui, un boulangisme, mais sans général à panache, sans cheval hoir décoratif :
C’est un âne, un âne, un âne,
C’est un âne qu’il nous faut.
Et l’âne est prêt. Il va courir les réunions. On le verra dans les rues de Paris. Ses amis diront son programme, et les abstentionnistes eux-mêmes, pour une fois, s’en iront voter. C’est un âne blanc. Il se nomme Nul. Les bulletins blancs, les bulletins nuls, compteront enfin — et seront comptés… Tout à l’heure de grandes affiches inscriront sur les murailles le manifeste du candidat. Un comité se constitue : des écrivains, des artistes, quelques orateurs des clubs. De précieux concours sont acquis. Que les Philistins se méfient : L’Âne trotte vers le palais Bourbon.
Votez pour Lui !!
Un régime s’enterre gaîment. Ce serait se tromper, en partie, que de croire à une plaisanterie, à quelque farce montmartroise. Réactionnaires, conservateurs, socialistes désabusés, tous les lassés de cette république constituent une majorité qui peut, en souriant, s’exprimer. Il faut voter pour l’âne Nul. Nous ne nous faisons pas d’illusion : on empêchera notre élu de joindre l’écurie du quai d’Orsay. On le persécutera peut-être. La fourrière l’attend sans doute. Mais nous verrons l’autorité dont jouira la nouvelle Chambre, quand, à l’orateur faisant des effets de tribune, quelqu’un des galeries criera : — Assez ! je demande la parole pour votre collègue l’Âne blanc.
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L’âne blanc Nul
AUX ÉLECTEURS (La Feuille n°11)
Électeurs,
En me présentant à vos suffrages, je vous dois quelques mots. Les voici : De vieille famille française, j’ose le dire, je suis un âne de race, un âne dans le beau sens du mot — quatre pattes et du poil partout. Je m’appelle Nul, comme le sont mes concurrents les candidats. Je suis blanc, comme le sont nombre de bulletins qu’on s’obstinait à ne pas compter et qui, maintenant, me reviendront. Mon élection est assurée. Vous comprendrez que je parle franc.
Citoyens,
On vous trompe. On vous dit que la dernière Chambre composée d’imbéciles et de filous ne représentait pas la majorité des électeurs. C’est faux. Une chambre composée de députés jocrisses et de députés truqueurs représente, au contraire, à merveille les Électeurs que vous êtes. Ne protestez pas : une nation a les délégués qu’elle mérite.
Pourquoi les avez-vous nommés ? Vous ne vous gênez pas, entre vous, pour convenir que plus ça change et plus c’est la même chose, que vos élus se moquent de vous et ne songent qu’à leurs intérêts, à la gloriole ou à l’argent.
Pourquoi les renommerez-vous demain ? Vous savez très bien que tout un lot de ceux que vous enverrez siéger vendront leurs voix contre un chèque et feront le commerce des emplois, fonctions et bureaux de tabac. Mais pour qui les bureaux de tabac, les places, les sinécures si ce n’est pour les Comités d’électeurs que l’on paye ainsi ? Les entraîneurs des Comités sont moins naïfs que le troupeau. La Chambre représente l’ensemble. Il faut des sots et des roublards, il faut un parlement de ganaches et de Robert Macaire pour personnifier à la fois tous les votards professionnels et les prolétaires déprimés. Et ça, c’est vous !
On vous trompe, bons électeurs, on vous berne, on vous flagorne quand on vous dit que vous êtes beaux, que vous êtes la justice, le droit, la souveraineté nationale, le peuple-roi, des hommes libres. On cueille vos votes et c’est tout. Vous n’êtes que des fruits… des Poires. On vous trompe encore. On vous dit que la France est toujours la France. Ce n’est pas vrai. La France perd, de jour en jour, toute signification dans le monde — toute signification libérale. Ce n’est plus le peuple hardi, coureur de risques, semeur d’idées, briseur de culte. C’est une Marianne agenouillée devant le trône des autocrates. C’est le caporalisme renaissant plus hypocrite qu’en Allemagne — une tonsure sous le képi.
On vous trompe, on vous trompe sans cesse. On vous parle de fraternité, et jamais la lutte pour le pain ne fut plus âpre et meurtrière. On vous parle de patriotisme, de patrimoine sacré — à vous qui ne possédez rien. On vous parle de probité ; et ce sont des écumeurs de presse, des journalistes à tout faire, maîtres fourbes ou maîtres chanteurs, qui chantent l’honneur national. Les tenants de la République, les petits bourgeois, les petits seigneurs sont plus durs aux gueux que les maîtres des régimes anciens. On vit sous l’œil des contremaîtres.
Les ouvriers aveulis, les producteurs qui ne consomment pas, se contentent de ronger patiemment l’os sans moelle qu’on leur a jeté, l’os du suffrage universel. Et c’est pour des boniments, des discussions électorales qu’ils remuent encore la mâchoire — la mâchoire qui ne sait plus mordre. Quand parfois des enfants du peuple secouent leur torpeur, ils se trouvent, comme à Fourmies, en face de notre vaillante Armée… Et le raisonnement des Lebel leur met du plomb dans la tête. La Justice est égale pour tous. Les honorables chéquards du Panama roulent carrosse et ne connaissent pas le cabriolet. Mais les menottes serrent les poignets des vieux ouvriers que l’on arrête comme vagabonds !
L’ignominie de l’heure présente est telle qu’aucun candidat n’ose défendre cette Société. Les politiciens bourgeoisants, réactionnaires ou ralliés, masques ou faux-nez républicains, vous crient qu’en votant pour eux ça marchera mieux, ça marchera bien. Ceux qui vous ont déjà tout pris vous demandent encore quelque chose : Donnez vos voix, citoyens ! Les mendigots, les candidats, les tire-laine, les soutire-voix, ont tous un moyen spécial de faire et refaire le Bien public. Écoutez les braves ouvriers, les médicastres du parti : ils veulent conquérir les pouvoirs… afin de les mieux supprimer. D’autres invoquent la Révolution, et ceux-là se trompent en vous trompant. Ce ne seront jamais des électeurs qui feront la Révolution. Le suffrage universel est créé précisément pour empêcher l’action virile. Charlot s’amuse à voter…
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L’âne blanc Nul
Et puis quand même quelque incident jetterait des hommes dans la rue, quand bien même, par un coup de force, une minorité ferait acte, qu’attendre ensuite et qu’espérer de la foule que nous voyons grouiller — la foule lâche et sans pensée. Allez ! allez, gens de la foule ! Allez, électeurs ! aux urnes… Et ne vous plaignez plus. C’est assez. N’essayez pas d’apitoyer sur le sort que vous vous êtes fait. N’insultez pas, après coup, les Maîtres que vous vous donnez. Ces Maîtres vous valent, s’ils vous volent. Ils valent, sans doute, davantage ; ils valent vingt-cinq francs par jour, sans compter les petits profits. Et c’est très bien : L’Électeur n’est qu’un Candidat raté.
Au peuple du bas de laine, petite épargne, petite espérance, petits commerçants rapaces, lourd populo domestiqué, il faut Parlement médiocre qui monnaie et qui synthétise toute la vilenie nationale. Votez, électeurs ! Votez ! Le Parlement émane de vous. Une chose est parce qu’elle doit être, parce qu’elle ne peut pas être autrement. Faites la Chambre à votre image. Le chien retourne à son vomissement — retournez à vos députés…
Chers électeurs,
Finissons-en. Votez pour eux. Votez pour moi. Je suis la Bête qu’il faudrait à la Belle Démocratie. Votez tous pour l’Âne blanc Nul, dont les ruades sont plus françaises que les braiments patriotards. Les rigolos, les faux bonshommes, le jeune parti de la vieille-garde : Vervoort, Millevoye, Drumont, Thiébaud, fleurs de fumier électoral, pousseront mieux sous mon crottin. Votez pour eux, votez pour moi !
IL EST ÉLU ! (La Feuille n°12)
Bonnes Gens de la Ville, Électeurs,
Écoutez l’édifiante histoire d’un joli petit âne blanc, candidat dans la Capitale. Ce n’est pas conte de mère l’Oie, ni récit de Petit Journal. C’est une histoire véridique pour les vieux gosses qui votent encore : Un bourriquet, fils du pays de La Fontaine et de Rabelais, un âne si blanc que M. Vervoort en a mangé gloutonnement, briguait au jeu électoral un mandat de législateur.
Le jour des élections venu, ce bourriquet, candidat-type, répondant au nom clair de Nul, fit une manœuvre de la dernière heure. Par le chaud dimanche de mai où le peuple courait aux urnes, l’âne blanc, le candidat Nul, juché sur un char de triomphe et traîné par des électeurs, traversa Paris, sa bonne ville. D’aplomb sur pattes, oreilles au vent, émergeant, fier, du véhicule bariolé de ses manifestes — du véhicule à forme d’urne ! la tête haute entre le verre d’eau et la sonnette présidentielle, il passa parmi des colères et des bravos et des lazzis… L’Âne vit Paris qui le regardait.
Paris ! Le Paris qui vote, la cohue, le peuple souverain tous les quatre ans… Le peuple suffisamment nigaud pour croire que la souveraineté consiste à se nommer des maîtres. Comme parqués devant les mairies, c’était des troupeaux d’électeurs, des hébétés, des fétichistes qui tenaient le petit bulletin par lequel ils disent : J’abdique. Monsieur Un Tel les représentera. Il les représentera d’autant mieux qu’il ne représente aucune idée. Et ça ira ! On fera des lois, on balancera des budgets. Les lois seront des chaînes de plus ; les budgets, des impôts nouveaux…
Lentement, l’Âne parcourait les rues. Sur son passage, les murailles se couvraient d’affiches que placardaient des membres de son comité, tandis que d’autres distribuaient ses proclamations à la foule : « Réfléchissez, chers citoyens. Vous savez que vos élus vous trompent, vous ont trompés, vous tromperont — et pourtant vous allez voter… Votez donc pour moi ! Nommez l’Âne !… On n’est pas plus bête que vous. » Cette franchise, un peu brutale, n’était pas du goût de tout le monde.
— On nous insulte, hurlaient les uns.
— On ridiculise le suffrage universel, s’écriaient d’autres plus justement.
Quelqu’un tendit son poing vers l’âne, rageusement, et dit :
— Sale Juif !
Mais un rire fusait, sonore. On acclamait le candidat. Bravement l’électeur se moquait et de lui-même et de ses élus. Les chapeaux s’agitaient, les cannes. Des femmes ont jeté des fleurs… L’Âne passait. Il descendait du haut Montmartre, allant vers le Quartier Latin. Il traversa les grands boulevards, le Croissant où se cuisine, sans sel, l’ordinaire que vendent les gazettes, il vit les Halles où des meurt-de-faim, des hommes du Peuple-Souverain, glanent dans des tas de détritus ; les Quais où des Électeurs élisent les ponts comme logis…
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Cœur et Cerveau !… C’était Paris. C’était ça la Démocratie ! On est tous frères, vieux vagabonds ! Plaignez le bourgeois ! il a la goutte… et c’est votre frère, gens sans pain, homme sans travail et mère lasse qui, ce soir, rentrerez chez vous pour mourir avec les petits… On est tous frères, jeune conscrit ! C’est ton frère, l’officier, là-bas, corset de fille et front barré. Salue ! Fixe ! la main dans le rang… Le Code te guette — le Code militaire. Douze balles dans la peau pour un geste. C’est le tarif Républicain.
L’Âne arrivait devant le Sénat. Il longea le Palais d’où le poste sortit en bousculade ; il suivit extérieurement, hélas ! les jardins trop verts. Puis ce fut le boulevard Saint-Michel. À la terrasse des cafés, des jeunes gens battaient des mains. La foule sans cesse grossissante s’arrachait les proclamations. Des étudiants s’attelaient au char, un professeur poussait aux roues… Or, comme trois heures sonnaient, apparurent des gens de police. Depuis dix heures du matin, de poste en commissariat, le télégraphe et le téléphone signalaient le passage étrange de l’animal subversif. L’ordre d’amener était lancé : Arrêtez l’Âne ! Et, maintenant, les sergents du guet barraient la route au candidat. Près de la place Saint-Michel, le fidèle comité de Nul fut sommé par la force armée de reconduire son client au plus proche commissariat. Naturellement le Comité passa outre — il passa la Seine. Et bientôt le char faisait halte devant le Palais de Justice.
Plus nombreux, les sergents de ville cernaient l’Âne blanc, impassible. Le Candidat était arrêté à la porte de ce Palais de Justice d’où les députés, les chéquards, tous les grands voleurs sortent libres. Parmi le flot populaire, le char avait des mouvements de roulis. Les agents, brigadier en tête, avaient saisi les brancards et s’étaient passé la bricole. Le Comité n’insistait plus : il harnachait les sergents de ville… Ainsi fut lâché l’âne blanc par ses plus chauds partisans. Tel un vulgaire politicien, l’animal avait mal tourné. La police le remorquait, l’Autorité guidait sa route… Dès cet instant, Nul n’était qu’un candidat officiel ! Ses amis ne le connaissaient plus. La porte de la Préfecture ouvrait ses larges battants — et l’âne entra comme chez lui.
Aujourd’hui si nous en causons c’est pour faire remarquer au peuple, peuple de Paris et des Campagnes, ouvriers, paysans, bourgeois, fiers Citoyens, chers Seigneurs, c’est pour faire assavoir à tous que l’âne blanc Nul est élu. Il est élu à Paris. Il est élu en Province. Additionnez les bulletins blancs et comptez les bulletins nuls, ajoutez-y les abstentions, voix et silences qui normalement se réunissent pour signifier ou le dégoût ou le mépris. Un peu de statistique s’il vous plaît, et vous constaterez facilement que, dans toutes les circonscriptions, le monsieur proclamé frauduleusement député n’a pas le quart des suffrages. De là, pour les besoins de la cause, cette locution imbécile : Majorité relative — autant vaudrait dire que, la nuit, il fait jour relativement.
Aussi bien l’incohérent, le brutal Suffrage Universel qui ne repose que sur le nombre — et n’a pas même pour lui le nombre — périra dans le ridicule. À propos des élections de France, les gazettes du monde entier ont, sans malice, rapproché les deux faits notoires de la journée : « Dès le matin, vers neuf heures, M. Félix Faure allait voter. Dans l’après-midi, à trois heures, l’Âne blanc était arrêté. » J’ai lu ça dans trois cents journaux. L’Argus et le Courrier de la Presse m’ont encombré de leurs coupures. Il y en avait en anglais, en valaque, en espagnol ; toujours pourtant je comprenais. — Chaque fois que je lisais Félix, j’étais sûr qu’on parlait de l’âne.
A noter :
Dans l’Anthologie de La Feuille, parue en 1900 sous le titre Les Feuilles, l’éditeur ajoute ici une note : « Durant la période électorale l’affiche-programme fut réellement placardée sur les murailles, et le jour du scrutin le candidat satirique traversa réellement Paris, de Montmartre au quartier Latin, fendant la foule enthousiaste ou scandalisée qui manifestait bruyamment. Boulevard du Palais, l’âne fut dûment appréhendé par la police qui se mit en devoir de traîner son char pour le conduire en fourrière, et s’il n’y eut alors bagarre entre les partisans de l’Âne et les représentants de l’Ordre c’est bien, ainsi que le contèrent les journaux de l’époque, grâce au rédacteur de la Feuille qui s’écria : — N’insistons pas, c’est maintenant un candidat officiel ! »
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
LES POTES.
A QUELQUES KMS DE CHEZ MOI, une république, je vais allez y placer ma petite retraite.
République du Saugeais : un État formé de onze communes du Doubs
Présidente, drapeau, hymne : cette république folklorique possède tous les attributs d’une vraie !
LA DOUANE.
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Dans le département du Doubs, à quelques petits kilomètres de la frontière Suisse, onze communes forment la République libre du Saugeais, dont la capitale est le village de Montbenoît. Si cet État autoproclamé est avant-tout folklorique, son impact sur la vie culturelle et le tourisme locaux semble indéniable !
Le territoire du Saugeais a été colonisé et défriché par des moines suisses aidés de paysans et artisans savoyards, entre les XIIème et XVème siècles. Selon l’Office du tourisme, ces origines diverses, couplées au climat et au manque de voies de communication, ont forgé l‘identité culturelle des villages du Saugeais.
Quant à la république, elle est née en 1947, sur le ton d’une plaisanterie entre le préfet du Doubs et Georges Pourchet, patron de l’Auberge de l’Abbaye à Montbenoît :
Pour plaisanter sur le Saugeais, M. Pourchet demande au préfet s’il a son « laissez-passer » pour circuler dans la « République » du Saugeais. Le Préfet lui répond que s’il s’agit d’une République, il faut un Président et nomme M. Georges Pourchet Président de la République libre du Saugeais !
En 1972, c’est son épouse Gabrielle Pourchet qui est élue (à l’applaudimètre) présidente, titre qui revient à leur fille Georgette en 2006.
LE DRAPEAU.
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La première présidente s’est beaucoup investie pour donner corps à la République du Saugeais : douane (il existe un laissez-passer), ambassadeurs, citoyens d’honneur, et surtout drapeau, blason, hymne ainsi que des souvenirs numismatiques ou philatéliques font la renommée du petit territoire. Une renommée parfaitement bien utilisée par l’Office du tourisme du canton de Montbenoît.
A QUELQUES KMS DE CHEZ MOI, une république, je vais allez y placer ma petite retraite.
République du Saugeais : un État formé de onze communes du Doubs
Présidente, drapeau, hymne : cette république folklorique possède tous les attributs d’une vraie !
LA DOUANE.
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Dans le département du Doubs, à quelques petits kilomètres de la frontière Suisse, onze communes forment la République libre du Saugeais, dont la capitale est le village de Montbenoît. Si cet État autoproclamé est avant-tout folklorique, son impact sur la vie culturelle et le tourisme locaux semble indéniable !
Le territoire du Saugeais a été colonisé et défriché par des moines suisses aidés de paysans et artisans savoyards, entre les XIIème et XVème siècles. Selon l’Office du tourisme, ces origines diverses, couplées au climat et au manque de voies de communication, ont forgé l‘identité culturelle des villages du Saugeais.
Quant à la république, elle est née en 1947, sur le ton d’une plaisanterie entre le préfet du Doubs et Georges Pourchet, patron de l’Auberge de l’Abbaye à Montbenoît :
Pour plaisanter sur le Saugeais, M. Pourchet demande au préfet s’il a son « laissez-passer » pour circuler dans la « République » du Saugeais. Le Préfet lui répond que s’il s’agit d’une République, il faut un Président et nomme M. Georges Pourchet Président de la République libre du Saugeais !
En 1972, c’est son épouse Gabrielle Pourchet qui est élue (à l’applaudimètre) présidente, titre qui revient à leur fille Georgette en 2006.
LE DRAPEAU.
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La première présidente s’est beaucoup investie pour donner corps à la République du Saugeais : douane (il existe un laissez-passer), ambassadeurs, citoyens d’honneur, et surtout drapeau, blason, hymne ainsi que des souvenirs numismatiques ou philatéliques font la renommée du petit territoire. Une renommée parfaitement bien utilisée par l’Office du tourisme du canton de Montbenoît.
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Badinguet : un surnom satirique donné à l’empereur Napoléon III
(D’après « Le Musée de la conversation », paru en 1897)
Quelle est l’origine de ce sobriquet qu’on retrouve dans la correspondance de Gustave Flaubert et par lequel on essaya de ridiculiser l’empereur Napoléon III, l’impératrice Eugénie étant, elle, surnommée Badinguette ? C’est ce que nous allons essayer d’éclaircir...
Une légende assez généralement répandue, veut que Badinguet soit le nom de l’ouvrier maçon dont le prince Louis-Napoléon revêtit le costume lors de son évasion du fort de Ham (26 mai 1846). Il n’y a pas un mot de vrai dans cette histoire, ainsi que l’a démontré Hachet-Souplet dans un chapitre de son ouvrage intitulé Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham.
Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
Dans les documents officiels relatifs à cette affaire et au procès qui s’en est suivi, on ne trouve effectivement aucune trace du soi-disant maçon Badinguet. On rencontre ce nom pour la première fois dans une caricature de Gavarni publiée par le Charivari, le 29 janvier 1840 (série des Étudiants de Paris). On y voit un étudiant qui abuse de la candeur d’une grisette en lui montrant un squelette accroché au mur et lui disant : « Tu ne la reconnais donc pas, Eugénie, l’ancienne à Badinguet ? Une belle blonde... qui aimait tant les meringues et qui faisait tant sa tête... Oui, Badinguet l’a fait monter pour 36 francs. »
D’après les frères Goncourt (Gavarni, l’Homme et l’OEuvre, 1873), Gavarni aurait forgé ce nom d’après celui d’un ami habitant les Landes, nommé Badingo. S’il est facile de faire justice de la légende de l’ouvrier maçon, il l’est beaucoup moins de comprendre par suite de quelles circonstances le nom de Badinguet, emprunté au dessin de Gavarni, est devenu le sobriquet populaire de l’empereur.
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Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
On a parlé vaguement d’un sculpteur en têtes de pipes qui aurait signé ses œuvres du nom de Badinguet. Ces pipes auraient rappelé la figure du prince-prétendant. C’est un fait qu’il s’agirait d’établir. Dans un vaudeville de Dumanoir et Brisebarre, représenté au Palais-Royal le 15 février 1841 : Madame Camus et sa demoiselle, il y a bien un personnage du nom de Badinguet, mais on ne peut trouver dans ce rôle aucune allusion applicable au prince Louis.
L’origine qui semble la plus naturelle nous est fournie par A. Morel dans son livre sur Napoléon III, sa vie, ses œuvres et ses opinions, publié en 1870. Le prisonnier avait obtenu, par une faveur exceptionnelle, la permission de se livrer à l’équitation dans la cour du château de Ham. Les soldats s’amusaient de ce spectacle, et l’auteur suppose qu’ils ne se privaient pas de laisser échapper quelques lazzis à son adresse.
« Il paraît, dit-il (p. 246), qu’ils lui donnaient entre eux le nom de Badinguet : or ce mot, en picard et en wallon, signifie quelque chose d’intermédiaire entre étourdi et badaud. Louis-Napoléon montra de l’humeur, se piqua, se plaignit, renonça enfin au cheval. »
Malheureusement, il est fort douteux que cette étymologie de Badinguet soit exacte. Il n’en est fait aucune mention ni dans le Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, de Grandgagnage (1845), ni dans le Glossaire du patois picard, de l’abbé Corblet (1851).
Mais voici un petit fait, passé inaperçu, qui pourrait bien jeter quelque lumière sur le problème que nous cherchons à pénétrer. Dans une Lettre de Ham, publiée par la Revue de l’Empire en 1844, nous relevons le passage suivant (p. 257), au milieu d’une description du cabinet occupé par Louis-Napoléon : « Un paravent, couvert de lithographies du Charivari, forme une espèce d’hémicycle autour de la table. (...) Ici l’étude donne la main à la science comme l’esprit se récrée par les excentriques bouffonneries du crayon de Grandville et de Gavarni. »
Rappelons que le prince Louis, après sa tentative de Boulogne (6 août 1840), fut condamné à l’emprisonnement perpétuel, et interné, le 7 octobre suivant, dans la citadelle de Ham. N’est-on pas tout naturellement conduit à penser que le dessin de Gavarni, de publication récente, figurait sur le paravent, et que les gardiens du prince se sont amusés à lui appliquer un sobriquet qu’ils avaient chaque jour devant les yeux ? Ce ne peut être là une certitude, bien entendu, mais c’est assurément une hypothèse des plus acceptables.
Badinguet : un surnom satirique donné à l’empereur Napoléon III
(D’après « Le Musée de la conversation », paru en 1897)
Quelle est l’origine de ce sobriquet qu’on retrouve dans la correspondance de Gustave Flaubert et par lequel on essaya de ridiculiser l’empereur Napoléon III, l’impératrice Eugénie étant, elle, surnommée Badinguette ? C’est ce que nous allons essayer d’éclaircir...
Une légende assez généralement répandue, veut que Badinguet soit le nom de l’ouvrier maçon dont le prince Louis-Napoléon revêtit le costume lors de son évasion du fort de Ham (26 mai 1846). Il n’y a pas un mot de vrai dans cette histoire, ainsi que l’a démontré Hachet-Souplet dans un chapitre de son ouvrage intitulé Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham.
Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
Dans les documents officiels relatifs à cette affaire et au procès qui s’en est suivi, on ne trouve effectivement aucune trace du soi-disant maçon Badinguet. On rencontre ce nom pour la première fois dans une caricature de Gavarni publiée par le Charivari, le 29 janvier 1840 (série des Étudiants de Paris). On y voit un étudiant qui abuse de la candeur d’une grisette en lui montrant un squelette accroché au mur et lui disant : « Tu ne la reconnais donc pas, Eugénie, l’ancienne à Badinguet ? Une belle blonde... qui aimait tant les meringues et qui faisait tant sa tête... Oui, Badinguet l’a fait monter pour 36 francs. »
D’après les frères Goncourt (Gavarni, l’Homme et l’OEuvre, 1873), Gavarni aurait forgé ce nom d’après celui d’un ami habitant les Landes, nommé Badingo. S’il est facile de faire justice de la légende de l’ouvrier maçon, il l’est beaucoup moins de comprendre par suite de quelles circonstances le nom de Badinguet, emprunté au dessin de Gavarni, est devenu le sobriquet populaire de l’empereur.
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Caricature de Napoléon III, par James Tissot (1869)
On a parlé vaguement d’un sculpteur en têtes de pipes qui aurait signé ses œuvres du nom de Badinguet. Ces pipes auraient rappelé la figure du prince-prétendant. C’est un fait qu’il s’agirait d’établir. Dans un vaudeville de Dumanoir et Brisebarre, représenté au Palais-Royal le 15 février 1841 : Madame Camus et sa demoiselle, il y a bien un personnage du nom de Badinguet, mais on ne peut trouver dans ce rôle aucune allusion applicable au prince Louis.
L’origine qui semble la plus naturelle nous est fournie par A. Morel dans son livre sur Napoléon III, sa vie, ses œuvres et ses opinions, publié en 1870. Le prisonnier avait obtenu, par une faveur exceptionnelle, la permission de se livrer à l’équitation dans la cour du château de Ham. Les soldats s’amusaient de ce spectacle, et l’auteur suppose qu’ils ne se privaient pas de laisser échapper quelques lazzis à son adresse.
« Il paraît, dit-il (p. 246), qu’ils lui donnaient entre eux le nom de Badinguet : or ce mot, en picard et en wallon, signifie quelque chose d’intermédiaire entre étourdi et badaud. Louis-Napoléon montra de l’humeur, se piqua, se plaignit, renonça enfin au cheval. »
Malheureusement, il est fort douteux que cette étymologie de Badinguet soit exacte. Il n’en est fait aucune mention ni dans le Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, de Grandgagnage (1845), ni dans le Glossaire du patois picard, de l’abbé Corblet (1851).
Mais voici un petit fait, passé inaperçu, qui pourrait bien jeter quelque lumière sur le problème que nous cherchons à pénétrer. Dans une Lettre de Ham, publiée par la Revue de l’Empire en 1844, nous relevons le passage suivant (p. 257), au milieu d’une description du cabinet occupé par Louis-Napoléon : « Un paravent, couvert de lithographies du Charivari, forme une espèce d’hémicycle autour de la table. (...) Ici l’étude donne la main à la science comme l’esprit se récrée par les excentriques bouffonneries du crayon de Grandville et de Gavarni. »
Rappelons que le prince Louis, après sa tentative de Boulogne (6 août 1840), fut condamné à l’emprisonnement perpétuel, et interné, le 7 octobre suivant, dans la citadelle de Ham. N’est-on pas tout naturellement conduit à penser que le dessin de Gavarni, de publication récente, figurait sur le paravent, et que les gardiens du prince se sont amusés à lui appliquer un sobriquet qu’ils avaient chaque jour devant les yeux ? Ce ne peut être là une certitude, bien entendu, mais c’est assurément une hypothèse des plus acceptables.
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
à vous
pour votre taf
J'avais déjà vu un reportage sur cette "république"
Bon Vendredi
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Bon Vendredi
RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Les Hénokiens : un club d’entreprises familiales de plus de 200 ans
Cette association regroupe des entreprises toujours dirigée par un descendant du fondateur !
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L’association Les Hénokiens a la particularité de regrouper des entreprises familiales ayant au moins 200 ans d’existence.
Les critères pour faire partie de ce club forcément très fermé sont donc les suivants :
■au moins 200 ans d’ancienneté pour l’entreprise
■direction effective assurée par un descendant du fondateur
■majorité du capital détenue par la famille d’origine
■bonne santé financière
Fondés en 1981, les Hénokiens regroupent aujourd’hui 40 entreprises, en Allemagne, Belgique, France, Irlande, Italie, Japon, Pays-Bas et Suisse. Ces sociétés représentent divers domaines d’activité :
■Baronie de Coussergues : viticulture depuis 1495 (France)
■SFCO (Maison Gradis) : négoce depuis 1685 (France)
■Amarelli : liqueurs depuis 1731 (Italie)
■Toraya : pâtisseries traditionnelles depuis la fin du XVIè siècle ! (Japon)
Le club des Hénokiens attache une grande importance à la transmission des entreprises et de leur patrimoine aux générations futures.
Hénoch (ou Enoch) est un des grands patriarches bibliques.
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L’association Les Hénokiens a la particularité de regrouper des entreprises familiales ayant au moins 200 ans d’existence.
Les critères pour faire partie de ce club forcément très fermé sont donc les suivants :
■au moins 200 ans d’ancienneté pour l’entreprise
■direction effective assurée par un descendant du fondateur
■majorité du capital détenue par la famille d’origine
■bonne santé financière
Fondés en 1981, les Hénokiens regroupent aujourd’hui 40 entreprises, en Allemagne, Belgique, France, Irlande, Italie, Japon, Pays-Bas et Suisse. Ces sociétés représentent divers domaines d’activité :
■Baronie de Coussergues : viticulture depuis 1495 (France)
■SFCO (Maison Gradis) : négoce depuis 1685 (France)
■Amarelli : liqueurs depuis 1731 (Italie)
■Toraya : pâtisseries traditionnelles depuis la fin du XVIè siècle ! (Japon)
Le club des Hénokiens attache une grande importance à la transmission des entreprises et de leur patrimoine aux générations futures.
Hénoch (ou Enoch) est un des grands patriarches bibliques.
alain90- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Bon week-end
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RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Pluies (Les) d’insectes, de poussière ou de sang sèment la terreur à travers les âges
(D’après « Le Journal de la jeunesse. Nouveau
recueil hebdomadaire illustré », paru en 1881)
Dévastant les cultures et semant la terreur parmi les habitants des contrées touchées, les pluies d’insectes tels que hannetons ou papillons, de poussière ou encore de « sang » émaillent l’histoire de nos provinces ainsi que celle de nombreux pays : aux explications irrationnelles nourries de superstitions, se substitua, tardivement, des justifications scientifiques n’entamant cependant par l’aversion suscitée par ces fléaux
En juin 1879, une véritable pluie de papillons s’abattit sur Paris. Ces insectes appartenaient la famille des Belles dames ou des Vanesses. Cette pluie d’insectes tomba non seulement à Paris, mais dans un grand nombre de villes de France, en Silice, en Espagne...
A l’observatoire du Puy-de-Dôme, on constata que les papillons marchaient par groupes de 2, 3, 4, 5 ou 6. « La largeur de la colonne qu’ils formaient dans leur ensemble, à la hauteur de Clermont, avait au moins 8 kilomètres ; mais il est probable qu’elle avait une dimension beaucoup plus grande. En se basant sur des chiffres moyens, le nombre des papillons serait de trois millions.
Ces insectes étaient d’ailleurs parfaitement inoffensifs. On sait qu’il n’en fut pas toujours ainsi et, pour n’en citer qu’un exemple, il suffit de rappeler que de véritables pluies de sauterelles venaient trop fréquemment dévaster notre colonie algérienne. « Les sauterelles arrivent, soutenues par les vents, s’abattent, et changent en désert la contrée la plus fertile. Vues de loin, leurs bandes innombrables ont l’aspect de nuages orageux.
Ces nuées sinistres cachent le soleil. Aussi haut et aussi loin que les yeux peuvent porter, le ciel est noir et le sol inondé de ces insectes. Le bruissement de ces millions d’ailes est comparable au bruit d’une cataracte. Quand l’horrible armée se laisse tomber à terre, les branches des arbres cassent. En quelques heures, et sur une étendue de plusieurs lieues, toute végétation a disparu. Les blés sont rongés jusqu’à la racine, les arbres dépouillés de leurs feuilles. Tout a été détruit, scié, haché, dévoie. Quand il ne reste plus rien, le terrible essaim s’enlève, comme à un signal donné, être part, laissant derrière lui le désespoir et la famine. »
L’historien Mézeray rapporte qu’au mois de janvier 1613, sous Louis XII, les sauterelles firent invasion dans la campagne d’Arles. En sept ou huit heures, les blés et les fourrages furent dévorés jusqu’à la racine, sur une étendue de pays de 1500 arpents. Elles passèrent ensuite le Rhône, vinrent à Tarascon et à Beaucaire, où elles mangèrent les plantes potagères et la luzerne.
Enfin, elles furent heureusement détruites en grande partie par tes étourneaux et d’autres oiseaux insectivores accourus par bandes immenses à cette curée formidable. Les consuls d’Arles et de Marseille firent ramasser les œufs ; Arles dépensa pour cette chasse 25000 francs. Trois mille quintaux d’œufs furent enterrés ou jetés dans le Rhône. En comptant 1 750 000 œufs par quintal (100 kilogrammes), cela donnerait un total de 5 milliards 250 millions de sauterelles détruites en germe et qui, sans cela, auraient bientôt renouvelé les ravages dont le pays venait d’être victime.
Les historiens anciens nous apprennent qu’ils furent témoins de pluies de grenouilles et même de pluies de poissons. Citons nos auteurs. Philarcus raconte que « Dieu fit pleuvoir des grenouilles autour de la Poenie et de la Dardanie, en si grande quantité que les maisons et les chemins en étaient remplis. On ferma les habitations et on en tua un grand nombre ; on trouvait des grenouilles mêlées aux aliments et cuites avec eux ; les eaux en étaient remplies ; on ne pouvait poser le pied à terre. La décomposition de leurs cadavres donna une odeur tellement infecte, qu’il fallut déserter le pays. »
Enfin, on a vu de véritables pluies de hannetons. Figuier rapporte « qu’en 1688, dans le comté de Galway, en Irlande, ils formaient un nuage si épais, que le ciel en était obscurci l’espace d’une lieue, et que les paysans avaient peine à se frayer un chemin dans les endroits où ils s’abattaient. Ils détruisirent toute la végétation, de sorte que le paysage revêtit l’aspect désolé de l’hiver. Leurs mâchoires voraces faisaient un bruit comparable à celui que produit le sciage d’une grosse pièce de bois, et le soir le bourdonnement de leurs ailes ressemblait à des roulements lointains de tambours. Les malheureux Irlandais furent réduits à faire cuire leurs envahisseurs et à les manger à défaut d’autre nourriture. »
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Diligence arrêtée par une pluie de hannetons en 1832
Notre gravure représente une scène qui eut lieu en 1832 sur la route de Gournay à Gisors. « Le 18 mai, à neuf heures du soir, une légion de hannetons assaillit une diligence avec une telle violence, que les chevaux, aveuglés et épouvantés, refusèrent d’avancer, et que le conducteur fut obligé de rétrograder jusqu’au village, pour y attendre la fin de cette grêle d’un nouveau genre. »
Tous ces phénomènes qui étaient autrefois considérés comme des prodiges, s’expliquent aujourd’hui de la manière la plus naturelle quand on se rappelle avec quelle force le vent soulève et transporte à de grandes distances les objets les plus pesants. On a vu certaines trombes enlever des troupeaux, des hommes, des arbres centenaires et les rejeter à plus de mille mètres soulever l’eau des rivières, entraîner les poissons et les projeter au loin avec une force considérable.
Les pluies d’insectes ne sont pas les seuls prodiges de celle nature qui aient frappé l’imagination superstitieuse des anciens. Les vieilles chroniques nous rapportent qu’à plusieurs reprises le ciel fit tomber sur la terre des croix, du lait, de la poussière, du sang. Sans crier au miracle, nous observons fréquemment des chutes de poussière ; il est bien vrai qu’à certains moments, dans le sud de l’Europe par exemple, ces chutes présentent un caractère tout particulier. Parmi les nombreuses descriptions qui ont été données des pluies de poussière, retenons celle de Thornburn, dans son travail sur le Bannu, district de Pendjab dans l’Indoustan.
« C’est un spectacle grand et solennel que le commencement d’un orage de poussière, dans une journée d’été, pour l’observateur placé sur une des collines qui s’élèvent en amphithéâtre autour de la plaine du Marwal. Le Marwal, lac desséché, est aujourd’hui une vaste plaine, dénuée d’arbres et couverte de sable onduleux. D’abord apparaît un point noir au bout de l’horizon ; il s’allonge rapidement et ne tarde pas à s’étendre de l’est à l’ouest ; c’est alors une puissante et terrible muraille, épaisse de mille pieds et longue de 50 kilomètres. Elle s’approche avec un bruit étourdissant. Tantôt une aile est poussée en avant, tantôt une autre ; mais la masse s’avance de plus en plus. Elle est précédée par une nuée d’oiseaux de proie, milans, aigles et vautours.
« Les villages, situés au bas de la colline d’où l’on observe ce phénomène, disparaissent les uns après les autres sous les nuages de poussière. Encore quelques minutes et le sommet du Skekhbudin, qui se baignait un instant auparavant dans les rayons du soleil, est enveloppé de nuages jaunes, qui fuient et s’éloignent rapidement. Un moment suffit pour faire disparaître ce spectacle grandiose ; il n’en reste qu’une poussière étouffante, désordonnée, affluant et refluant dans toutes les directions, pénétrant dans toutes les fissures. Hors des demeures, on ne peut voir que des ténèbres palpables ; on n’entend que le sifflement du vent, mais, dans l’intérieur des maisons, on allume les lampes et, au bout d’un quart d’heure, l’orage, qui a exercé ses ravages sur les flancs des coteaux, s’apaise et se calme peu à peu. »
Les pluies de poussière sont dues soit au sable du désert entraîné par les vents, soit aux cendres qui s’échappent des volcans au moment des éruptions. « Une des éruptions volcaniques qui ont causé le plus de terreur dans les temps modernes est celle du volcan Coseguina, situé au sud de la baie de Fonseca, dans l’Amérique centrale. La quantité de cendres vomies par le volcan atteignit des proportions formidables. Une immense nappe de poussière s’étendit dans le ciel ; elle fut portée par le vent jusqu’à plus de 500 lieues vers l’ouest. La superficie de terre et d’eau sur laquelle s’abattit la poussière, a été évaluée à 4 millions de kilomètres carrés, et, quant à la masse vomie, elle n’a pas été inférieur 50 millions de mètres cubes.
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Pluie de sang en Provence en 1608
« En 1815, un volcan de l’île Sumbava, le Timboro, recouvrit de cendres une surface de terre et de mer supérieure à celle de l’Allemagne. L’imagination populaire fut tellement frappée de ce cataclysme, qu’à Bruni, dans l’île de Bornéo, où des amas de la poussière vomie par le Timboro à 1400 kilomètres au sud, avaient été portés par le vent, on compte les années à dater de la grande chute de cendres. »
Ces chutes de poussière vont nous faire comprendre de quelle nature était ce singulier prodige connu sous le nom de pluie de sang. L’historien Plutarque nous raconte que ces pluies de sang apparaissent souvent après les batailles meurtrières, et il explique sérieusement que la vapeur du sang répandu s’élève dans l’air, se fixe dans les nuages et retombe sur la terre avec la pluie ! Nous pourrions dresser une longue liste des pluies de sang relevées par les historiens ; il nous suffira d’emprunter à Grellois le récit de ce qui se passa à Aix en juillet 1608 :
« Une pluie de sang tomba à Aix et s’étendit à une demi-lieue de la ville. L’effroi était dans tous les esprits. Heureusement un homme instruit, M. de Peiresc, se livra sur ce soi-disant prodige à des recherches assidues. Il reconnut que les matières rouges qui existaient dans l’eau de pluie n’étaient autre chose que les excréments de papillons qu’on avait observés en abondance dans les commencements de juillet. Il s’empressa de montrer le fait aux amis du miracle, mais le peuple des faubourgs continua de ressentir une véritable terreur à la vue de ces larmes sanglantes qui tachaient le sol de la campagne. »
Les pluies de sang ne sont pas uniquement colorées par des excréments d’insectes ; elles contiennent le plus souvent un sable rouge très fin, enlevé au désert par ces violentes tempêtes connues sous le nom de Simoun. Ainsi, la science a définitivement renversé la légende en ce qui concerne les pluies de sang. On sut que les pluies rouges tombant sur le sud de l’Europe étaient dues au sables du Sahara qu’un vent impétueux soulève et transporte à d’énormes distances.
A certaines époques de l’année, plus particulièrement en février et en mars, de violents tourbillons atmosphériques se forment au nord de l’Europe, descendent assez rapidement vers l’Afrique, où ils forment de véritables tempêtes dans le Sahara et soulèvent des quantités énormes de sable. Ces tempêtes éprouvent alors un mouvement de recul, reviennent du sud au nord vers leur point de départ et amènent avec elles le sable rouge du désert.
Pluies (Les) d’insectes, de poussière ou de sang sèment la terreur à travers les âges
(D’après « Le Journal de la jeunesse. Nouveau
recueil hebdomadaire illustré », paru en 1881)
Dévastant les cultures et semant la terreur parmi les habitants des contrées touchées, les pluies d’insectes tels que hannetons ou papillons, de poussière ou encore de « sang » émaillent l’histoire de nos provinces ainsi que celle de nombreux pays : aux explications irrationnelles nourries de superstitions, se substitua, tardivement, des justifications scientifiques n’entamant cependant par l’aversion suscitée par ces fléaux
En juin 1879, une véritable pluie de papillons s’abattit sur Paris. Ces insectes appartenaient la famille des Belles dames ou des Vanesses. Cette pluie d’insectes tomba non seulement à Paris, mais dans un grand nombre de villes de France, en Silice, en Espagne...
A l’observatoire du Puy-de-Dôme, on constata que les papillons marchaient par groupes de 2, 3, 4, 5 ou 6. « La largeur de la colonne qu’ils formaient dans leur ensemble, à la hauteur de Clermont, avait au moins 8 kilomètres ; mais il est probable qu’elle avait une dimension beaucoup plus grande. En se basant sur des chiffres moyens, le nombre des papillons serait de trois millions.
Ces insectes étaient d’ailleurs parfaitement inoffensifs. On sait qu’il n’en fut pas toujours ainsi et, pour n’en citer qu’un exemple, il suffit de rappeler que de véritables pluies de sauterelles venaient trop fréquemment dévaster notre colonie algérienne. « Les sauterelles arrivent, soutenues par les vents, s’abattent, et changent en désert la contrée la plus fertile. Vues de loin, leurs bandes innombrables ont l’aspect de nuages orageux.
Ces nuées sinistres cachent le soleil. Aussi haut et aussi loin que les yeux peuvent porter, le ciel est noir et le sol inondé de ces insectes. Le bruissement de ces millions d’ailes est comparable au bruit d’une cataracte. Quand l’horrible armée se laisse tomber à terre, les branches des arbres cassent. En quelques heures, et sur une étendue de plusieurs lieues, toute végétation a disparu. Les blés sont rongés jusqu’à la racine, les arbres dépouillés de leurs feuilles. Tout a été détruit, scié, haché, dévoie. Quand il ne reste plus rien, le terrible essaim s’enlève, comme à un signal donné, être part, laissant derrière lui le désespoir et la famine. »
L’historien Mézeray rapporte qu’au mois de janvier 1613, sous Louis XII, les sauterelles firent invasion dans la campagne d’Arles. En sept ou huit heures, les blés et les fourrages furent dévorés jusqu’à la racine, sur une étendue de pays de 1500 arpents. Elles passèrent ensuite le Rhône, vinrent à Tarascon et à Beaucaire, où elles mangèrent les plantes potagères et la luzerne.
Enfin, elles furent heureusement détruites en grande partie par tes étourneaux et d’autres oiseaux insectivores accourus par bandes immenses à cette curée formidable. Les consuls d’Arles et de Marseille firent ramasser les œufs ; Arles dépensa pour cette chasse 25000 francs. Trois mille quintaux d’œufs furent enterrés ou jetés dans le Rhône. En comptant 1 750 000 œufs par quintal (100 kilogrammes), cela donnerait un total de 5 milliards 250 millions de sauterelles détruites en germe et qui, sans cela, auraient bientôt renouvelé les ravages dont le pays venait d’être victime.
Les historiens anciens nous apprennent qu’ils furent témoins de pluies de grenouilles et même de pluies de poissons. Citons nos auteurs. Philarcus raconte que « Dieu fit pleuvoir des grenouilles autour de la Poenie et de la Dardanie, en si grande quantité que les maisons et les chemins en étaient remplis. On ferma les habitations et on en tua un grand nombre ; on trouvait des grenouilles mêlées aux aliments et cuites avec eux ; les eaux en étaient remplies ; on ne pouvait poser le pied à terre. La décomposition de leurs cadavres donna une odeur tellement infecte, qu’il fallut déserter le pays. »
Enfin, on a vu de véritables pluies de hannetons. Figuier rapporte « qu’en 1688, dans le comté de Galway, en Irlande, ils formaient un nuage si épais, que le ciel en était obscurci l’espace d’une lieue, et que les paysans avaient peine à se frayer un chemin dans les endroits où ils s’abattaient. Ils détruisirent toute la végétation, de sorte que le paysage revêtit l’aspect désolé de l’hiver. Leurs mâchoires voraces faisaient un bruit comparable à celui que produit le sciage d’une grosse pièce de bois, et le soir le bourdonnement de leurs ailes ressemblait à des roulements lointains de tambours. Les malheureux Irlandais furent réduits à faire cuire leurs envahisseurs et à les manger à défaut d’autre nourriture. »
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Diligence arrêtée par une pluie de hannetons en 1832
Notre gravure représente une scène qui eut lieu en 1832 sur la route de Gournay à Gisors. « Le 18 mai, à neuf heures du soir, une légion de hannetons assaillit une diligence avec une telle violence, que les chevaux, aveuglés et épouvantés, refusèrent d’avancer, et que le conducteur fut obligé de rétrograder jusqu’au village, pour y attendre la fin de cette grêle d’un nouveau genre. »
Tous ces phénomènes qui étaient autrefois considérés comme des prodiges, s’expliquent aujourd’hui de la manière la plus naturelle quand on se rappelle avec quelle force le vent soulève et transporte à de grandes distances les objets les plus pesants. On a vu certaines trombes enlever des troupeaux, des hommes, des arbres centenaires et les rejeter à plus de mille mètres soulever l’eau des rivières, entraîner les poissons et les projeter au loin avec une force considérable.
Les pluies d’insectes ne sont pas les seuls prodiges de celle nature qui aient frappé l’imagination superstitieuse des anciens. Les vieilles chroniques nous rapportent qu’à plusieurs reprises le ciel fit tomber sur la terre des croix, du lait, de la poussière, du sang. Sans crier au miracle, nous observons fréquemment des chutes de poussière ; il est bien vrai qu’à certains moments, dans le sud de l’Europe par exemple, ces chutes présentent un caractère tout particulier. Parmi les nombreuses descriptions qui ont été données des pluies de poussière, retenons celle de Thornburn, dans son travail sur le Bannu, district de Pendjab dans l’Indoustan.
« C’est un spectacle grand et solennel que le commencement d’un orage de poussière, dans une journée d’été, pour l’observateur placé sur une des collines qui s’élèvent en amphithéâtre autour de la plaine du Marwal. Le Marwal, lac desséché, est aujourd’hui une vaste plaine, dénuée d’arbres et couverte de sable onduleux. D’abord apparaît un point noir au bout de l’horizon ; il s’allonge rapidement et ne tarde pas à s’étendre de l’est à l’ouest ; c’est alors une puissante et terrible muraille, épaisse de mille pieds et longue de 50 kilomètres. Elle s’approche avec un bruit étourdissant. Tantôt une aile est poussée en avant, tantôt une autre ; mais la masse s’avance de plus en plus. Elle est précédée par une nuée d’oiseaux de proie, milans, aigles et vautours.
« Les villages, situés au bas de la colline d’où l’on observe ce phénomène, disparaissent les uns après les autres sous les nuages de poussière. Encore quelques minutes et le sommet du Skekhbudin, qui se baignait un instant auparavant dans les rayons du soleil, est enveloppé de nuages jaunes, qui fuient et s’éloignent rapidement. Un moment suffit pour faire disparaître ce spectacle grandiose ; il n’en reste qu’une poussière étouffante, désordonnée, affluant et refluant dans toutes les directions, pénétrant dans toutes les fissures. Hors des demeures, on ne peut voir que des ténèbres palpables ; on n’entend que le sifflement du vent, mais, dans l’intérieur des maisons, on allume les lampes et, au bout d’un quart d’heure, l’orage, qui a exercé ses ravages sur les flancs des coteaux, s’apaise et se calme peu à peu. »
Les pluies de poussière sont dues soit au sable du désert entraîné par les vents, soit aux cendres qui s’échappent des volcans au moment des éruptions. « Une des éruptions volcaniques qui ont causé le plus de terreur dans les temps modernes est celle du volcan Coseguina, situé au sud de la baie de Fonseca, dans l’Amérique centrale. La quantité de cendres vomies par le volcan atteignit des proportions formidables. Une immense nappe de poussière s’étendit dans le ciel ; elle fut portée par le vent jusqu’à plus de 500 lieues vers l’ouest. La superficie de terre et d’eau sur laquelle s’abattit la poussière, a été évaluée à 4 millions de kilomètres carrés, et, quant à la masse vomie, elle n’a pas été inférieur 50 millions de mètres cubes.
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Pluie de sang en Provence en 1608
« En 1815, un volcan de l’île Sumbava, le Timboro, recouvrit de cendres une surface de terre et de mer supérieure à celle de l’Allemagne. L’imagination populaire fut tellement frappée de ce cataclysme, qu’à Bruni, dans l’île de Bornéo, où des amas de la poussière vomie par le Timboro à 1400 kilomètres au sud, avaient été portés par le vent, on compte les années à dater de la grande chute de cendres. »
Ces chutes de poussière vont nous faire comprendre de quelle nature était ce singulier prodige connu sous le nom de pluie de sang. L’historien Plutarque nous raconte que ces pluies de sang apparaissent souvent après les batailles meurtrières, et il explique sérieusement que la vapeur du sang répandu s’élève dans l’air, se fixe dans les nuages et retombe sur la terre avec la pluie ! Nous pourrions dresser une longue liste des pluies de sang relevées par les historiens ; il nous suffira d’emprunter à Grellois le récit de ce qui se passa à Aix en juillet 1608 :
« Une pluie de sang tomba à Aix et s’étendit à une demi-lieue de la ville. L’effroi était dans tous les esprits. Heureusement un homme instruit, M. de Peiresc, se livra sur ce soi-disant prodige à des recherches assidues. Il reconnut que les matières rouges qui existaient dans l’eau de pluie n’étaient autre chose que les excréments de papillons qu’on avait observés en abondance dans les commencements de juillet. Il s’empressa de montrer le fait aux amis du miracle, mais le peuple des faubourgs continua de ressentir une véritable terreur à la vue de ces larmes sanglantes qui tachaient le sol de la campagne. »
Les pluies de sang ne sont pas uniquement colorées par des excréments d’insectes ; elles contiennent le plus souvent un sable rouge très fin, enlevé au désert par ces violentes tempêtes connues sous le nom de Simoun. Ainsi, la science a définitivement renversé la légende en ce qui concerne les pluies de sang. On sut que les pluies rouges tombant sur le sud de l’Europe étaient dues au sables du Sahara qu’un vent impétueux soulève et transporte à d’énormes distances.
A certaines époques de l’année, plus particulièrement en février et en mars, de violents tourbillons atmosphériques se forment au nord de l’Europe, descendent assez rapidement vers l’Afrique, où ils forment de véritables tempêtes dans le Sahara et soulèvent des quantités énormes de sable. Ces tempêtes éprouvent alors un mouvement de recul, reviennent du sud au nord vers leur point de départ et amènent avec elles le sable rouge du désert.
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
Il n’y a pas de gare en Ardèche !
L’Ardèche (07) est le seul département de France métropolitaine à ne disposer d’aucune gare de voyageurs.
L’Ardèche est le seul département de France métropolitaine à ne compter aucune gare de voyageur !
Pourtant, dès la fin du XIXème siècle, la plupart des villes du département disposait d’une gare, sur le réseau ferré géré par la compagnie du PLM. Un nœud ferroviaire local s’organisait ainsi autour de la gare de Vogüé, prenant le poétique nom d’Étoile de Vogüé. Le matériel roulant était essentiellement constitué d’autorails (photo). Ce réseau local était bien sûr connecté au réseau national1.
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Dans la deuxième moitié du XXème siècle, la suppression de la plupart des lignes (et même de la plupart des rails !) dans le département a entraîné de fait la fermeture des gares de voyageurs en Ardèche. Les liaisons vers les gares proches, comme Valence ou Montélimar, sont aujourd’hui assurées en car par la SNCF.
Il est toutefois encore possible de faire une ballade en train en Ardèche : l’association Viaduc 07 exploite une portion de ligne à vocation touristique, avec des autorails, entre Vogüé et Saint-Jean-le-Centenier.
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
Lapins traqués par un chasseur au cimetière du Père-Lachaise en 1870
(D’après « Le Revue pour tous », paru en 1889)
A la fin du XIXe siècle, un dénommé Bouland, brocanteur de son état, conçut de chasser le lapin en plein coeur du cimetière du Père-Lachaise, déjouant les pièges tendus par les gardiens durant 10 ans, bravant condamnations et peines de prison dont il écopa sans que cela n’entame une rage de s’amuser qui le conduisait parfois à passer des nuits entières, dehors, par d’abominables temps
Oui, des lapins ! comme dans le bois le plus vulgaire et les réserves les plus giboyeuses ; comme à Chantilly, à Marly, à Compiègne : comme dans la forêt d’Halatte ou la forêt de Senart. Des lapins ! là où dorment, côte à côte, Héloïse et Abeilard, Raspail et Thiers !...
En existait-il au temps où Balzac y enterrait le père Goriot et où Rastignac, contemplant, du haut du cimetière, Paris, « tortueusement couché le long des deux bords de la Seine » disait ces mots grandioses, avec un regard de défi : « A nous deux, maintenant ! » En existait-il, quand Gozlan écrivait ses Nuits sinistres ?... En existait-il, effarés dans leurs trous, pendant la famine, du siège et les fusillades de la Commune ?
Le père Bouland, seul, aurait pu répondre. Le père Bouland ?... Voici son histoire :
Une nuit des années 1870-1880, vers dix heures, deux gardiens se promenaient dans les allées du cimetière, faisant leur tournée d’inspection. On était en plein hiver ; le froid était piquant et les hautes herbes blanches, durcies par la gelée, craquaient sous les pieds. Le Père-Lachaise était calme. Depuis longtemps, les maraudeurs le négligeaient et exerçaient autre part leurs déprédations funèbres ; depuis longtemps, point de couronne volée sur les tombes, point de grilles brisées et emportées, point d’effractions, point d’escalades ; et ce soir-là, comme les autres soirs, s’était écoulé sans alerte.
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Tombeau d’Héloïse et Abélard au cimetière du Père-Lachaise
Leur inspection terminée, les gardiens se disposaient à rentrer, quand, soudain, vers le mur de clôture, un coup de feu retentit, dont les sonorités emplirent le cimetière, répercutées le long des tombes... Puis de nouveau le silence se fit, solennel et mystérieux. Quelques feuilles mortes, retenues à des branches, tombaient, détachées par la vibration de l’air, et c’était tout...
Les deux gardiens s’étaient rapprochés, écoutaient, s’attendant à ce qu’un gémissement, un cri, un appel au secours parviendrait jusqu’à eux. Rien !... Ils se dirigèrent vers l’endroit d’où la détonation était partie... cherchèrent une trace, un indice... une piste de pas... L’un d’eux grimpa sur le mur et inspecta les environs... Efforts inutiles... S’il n’était resté, dans l’air, l’odeur subtile de la poudre, ils auraient pu croire qu’ils avaient rêvé...
Ils n’osèrent point parler de cette aventure, mais le lendemain ils étaient à leur poste, à peu près à la même heure, et ce fut encore au moment où leur service allait prendre fin qu’ils entendirent, du même côté que la veille, une violente détonation. Cette fois, le doute n’était plus permis. Pourtant ils eurent beau faire diligence et se précipiter vers le mur, ils ne trouvèrent qu’une bourre, fumant dans l’herbe mouillée.
Au matin, une minutieuse inspection des environs ne leur révéla rien qui vaille. Le champ était libre pour les conjectures. Etait-ce une tentative d’assassinat contre un des gardiens ?... Etait-ce quelque attaque nocturne dans ces terrains vagues qui bordent le cimetière où le crime est si fréquent et si facile ?... Rapport fut fait à l’administration. Une surveillance active fut organisée, mais, pendant les huit jours qui suivirent, on ne remarqua rien de suspect. La surveillance se relâcha. Les gardiens même n’y pensaient plus, quand un soir, ils entendirent — c’était la troisième fois — deux détonations successives, pif, paf, se succédant à une seconde d’intervalle.
Il arrivèrent trop tard, cette fois comme les autres, mais à temps, toutefois, pour percevoir de l’autre côté du mur un bruit de pas qui s’éloignaient. Etait-ce un passant ? Etait-ce le tireur mystérieux ? Le temps d’escalader le mur et il n’y avait plus personne ! La colère s’en mêlant, il se mirent à l’affût toutes les nuits, derrière une pierre tombale, armés de fusils et résolus à s’en servir. Non loin d’eux étaient creusés trois caveaux dont on avait commencé autrefois, puis abandonné la construction. Des herbes broussailleuses y avaient poussé, entre lesquelles on distinguait des trous qui semblaient s’enfoncer sous terre profondément. Depuis longtemps, ces caveaux passaient pour servir de retraites aux légions de rats qui infestaient le cimetière, et l’on avait souvent parlé d’y organiser une chasse en lançant les chiens ratiers dans les couloirs souterrains habités par les petits rongeurs.
La troisième nuit, les gardiens remarquèrent que de grosses boules grises bondissaient de ces caveaux au milieu des herbes et de tombe en tombe s’allongeaient, se repliaient, lancées comme par une catapulte, disparaissaient et reparaissaient vingt fois dans la même seconde, se démenant, s’agitant, se rejoignant, se séparant, puis, après des évolutions sans nombre auxquelles l’obscurité et le lieu prêtaient quelque chose de fantastique, s’arrêtaient soudain dans une broussaille où elles s’effondraient et s’évanouissaient.
Les yeux des gardiens s’étaient habitués à la nuit, d’ailleurs transparente, car la lune allait se lever. Une sorte de grattement attira leur attention. Ils retinrent leur haleine. En haut du mur quelque chose remua : une tête d’homme qui se pencha en avant et inspecta le cimetière. Après la tête, ce fut le buste, puis les jambes. L’homme se posta sur la crête, sans se hâter, déposa un fusil à portée de la main et siffla doucement. Un chien à poils frisés noirs et blancs bondit auprès de lui en jappant, mais une menace le fit taire.
L’homme hissa une échelle qu’il descendit dans le cimetière, après quoi, son fusil entre les mains, il se tint immobile. Le chien, assis, très attentif, non plus ne bougeait pas. Un instant, les boules grises, effrayées par le bruit, étaient devenues invisibles, mais le silence les tranquillisa et les danses et les sauts recommencèrent. Elles jouaient, se lutinaient, se querellaient, aussi, car il y avait des piétinements de colère pareils, sur le sol durci par la gelée, à des roulements d’un tambour souterrain. L’homme, du haut du mur, regardait ces ébats... Tout à coup, il épaula et fit feu... Un nuage de fumée enveloppa le tireur... Les gardes étaient sortis de leur cachette... Le chien avait dégringolé l’échelle, s’était précipité dans une touffe d’herbes et remontait, un lapin à la gueule... Et prestement, l’échelle fut retirée, l’homme et le chien disparurent...
Cette fois, les gardiens savaient à quoi s’en tenir : c’était à un chasseur qu’ils avaient à faire, non à un assassin. A un chasseur, oui, un chasseur de lapins !... Le père Bouland était un bonhomme à figure jaune et ratatinée, plissée de mille rides, sec comme un clou et dont les yeux ronds très brillants, sans cesse en mouvement, avaient un éclat fiévreux presque insoutenable. Qu’était-ce ? Un brocanteur de Ménilmontant qui à force d’économies pénibles, avait acheté un morceau de terrain près du Père-Lachaise. Il y avait fait bâtir et vivait là, seul avec sa femme, continuant son métier, arrondissant de jour en jour sa petite fortune.
Ce bonhomme, dont l’unique préoccupation semblait être de thésauriser, qui de sa vie n’avait regardé une autre femme que la sienne, et de sa vie non plus ne s’était trouvé devant le comptoir d’un marchand de vin, avait, depuis sa jeunesse, une passion, bizarre chez un être pareil, d’autant plus violente qu’elle s’était alimentée par l’imagination et qu’il n’avait jamais osé la satisfaire : il adorait la chasse. Mais il l’adorait à en parler tous les jours, à en rêver toutes les nuits, à ne plus dormir les veilles d’ouverture, à dévorer fiévreusement les traités cynégétiques qui lui tombaient sous la main, dans les hasards de son commerce...
Une seule chose combattait son penchant : l’avarice. Cela eût coûté cher de chasser ! Une action de chasse était nécessaire d’abord. Et puis, c’était des déplacements ; le temps perdu ; un fusil qu’il fallait acheter, un chien qu’il fallait nourrir, des munitions, enfin des frais innombrables sans compter le port d’arme et le reste !... Or, un jour qu’il se promenait le long du cimetière, sa marotte en tête, il s’arrêta brusquement, si ému, qu’une grosse sueur lui mouilla le front.
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Allée principale du cimetière du Père-Lachaise
Une idée — mais une idée qui allait réaliser son rêve, le rêve de trente ans ! — lui traversait la cervelle... Le cimetière, à deux pas de chez lui, est-ce que ce ne pouvait pas être une chasse toute prête ? Une chasse bon marché, et commode avec cela !... Certes, il ne comptait y tuer ni sangliers, ni chevreuils, pas même de lièvres, pas même de perdreaux !... Mais en jetant là, en avril, cinq ou six couples de lapins, il était sûr d’en retrouver une centaine en hiver ! Rien à craindre, si ce n’est de la part des gardes !
En une seconde, son plan fut fait. II élèverait un chien — Baptiste — ramassé dans la rue, lui apprendrait à rapporter. Il avait justement trouvé, ces temps derniers, dans un lot de ferraille, un vieux fusil à pierre ! Ne serait-ce pas suffisant ?... Faut-il une si belle arme pour bouler un lapin ?... La nuit, il se rendrait à l’affût ! Dans le cimetière, les rongeurs auraient de quoi se nourrir. Et le Père-Lachaise était clos ; point de braconniers à redouter ! Cinq ou six mois après, sa chasse était prête. Dans les caveaux funèbres il avait vu des terriers et, de ci, de là les arbustes, dont l’écorce était rongée, indiquaient que les bêtes avaient pullulé. Bouland se frotta les mains et prépara ses munitions.
Il aurait pu se passer de la permission de la loi et partir, quand bon lui semblerait, le fusil sur l’épaule. Mais, chasseur avant tout, il attendit l’ouverture. Avec quelle impatience, on le comprend. La première fois il en tua deux. Econome, il ménageait son gibier. La seconde, deux aussi. Mais le bruit formidable des détonations du vieux fusil, éclatant du haut du mur, dans la nuit silencieuse, l’effraya. Il eut peur d’être pris par les gardes et se tint coi pendant quinze jours. Puis, de loin on loin, il poursuivit ses exploits. Il se contentait d’un lapin et tout de suite s’enfuyait. Il avait dressé Baptiste à descendre l’échelle et à lui rapporter la pièce tuée de telle sorte qu’il ne bougeait pas du mur, prêt à disparaître à la moindre alerte.
La nuit où les gardiens faillirent le surprendre, il eut si peur qu’il accrocha son fusil à sa devanture, décidé à le vendre. Mais quoi ? Pour un peu de risque, abandonner une chasse pareille ? Sa résolution n’y tint pas. Seulement, il redoubla de prudence et de ruse. Certaines nuits, il courait lâcher un ou deux coups de fusil à quelques cents mètres, pour attirer là les gardiens, puis, revenant précipitamment, il grimpait à l’échelle, faisait sa chasse et s’en allait.
Sa vue acquérait, à ces expéditions, une prodigieuse, acuité, en même temps que son adresse se développait. D’autres fois, laissant reposer le fusil, il furetait en étalant des bourses aux gueules. Mais il n’aimait pas ce genre de chasse, qui ressemblait trop au braconnage. Il reprenait vite son flingot, méprisant le danger, à la fin pris d’une rage de s’amuser, restant toutes les nuits dehors, par d’abominables temps, déjouant les pièges qu’on lui tendait, et repeuplant le cimetière quand il s’apercevait que les gardiens avaient vidé les terriers !...
Cela dura neuf ou dix ans — de 1871 à 1880 — car ce n’est pas une légende que cette histoire. Pendant ces dix ans, le brocanteur, arrêté deux fois, passa deux fois en police correctionnelle et subit de fortes condamnations. Il était trop malade pour guérir. L’amende payée, la prison faite, il décrochait son fusil et retournait à son mur, suivi de Baptiste...
On défonça les terriers, on boucha les gueules, on fit une chasse incessante aux rongeurs. Le bonhomme ne s’en émouvait pas. Les lapins pullulent comme de la vermine. Quand le dernier est tué, il en naît d’autres. Des terriers se reformaient, à travers les tombes, et qui dira quelles rencontres funèbres faisait le gibier de Bouland en ses galeries souterraines, où il se heurtait aux bois des cercueils, côtoyait les assises des caveaux, obligé à mille sinueux détours, tantôt perçant droit devant lui. tantôt revenant en arrière, obliquant, creusant toujours ?
Mais les fossoyeurs envahirent un terrain jusque-là réservé, les bêches fouillèrent le sol profondément, et les tombes se rapprochèrent peu à peu de la clôture. A chaque concession nouvelle, les larges pierres tumulaires écrasaient les hautes herbes où jadis avaient bondi les fuyards sous le coup de fusil de l’étrange braconnier. Les grilles enserrèrent étroitement les arbustes. Les derniers lapins tués étaient maigres et mal portants. Enfin, pendant un mois, Bouland, à l’affût toutes les nuits, revint bredouille.
Dès lors, il fut triste. Quand on parlait chasse devant lui, il souriait amèrement, sans répondre. Il vendit son fusil, mais garda Baptiste, le vieux compagnon de ses nocturnes campagnes. Il mourut quatre ou cinq mois après sans s’être consolé. Il a voulu être enterré près de ses terriers, et c’est là qu’il repose, au milieu de sa chasse funèbre, en ce cimetière dont ses coups de feu retentissants ont tant de fois troublé le religieux sommeil.
Longez le Père-Lachaise, dans le vingtième arrondissement, et quand vous rencontrerez l’impasse où se trouve une maison d’école, et à laquelle Bouland a donné son nom, faites-vous raconter l’histoire de Baptiste et de son maître.
Lapins traqués par un chasseur au cimetière du Père-Lachaise en 1870
(D’après « Le Revue pour tous », paru en 1889)
A la fin du XIXe siècle, un dénommé Bouland, brocanteur de son état, conçut de chasser le lapin en plein coeur du cimetière du Père-Lachaise, déjouant les pièges tendus par les gardiens durant 10 ans, bravant condamnations et peines de prison dont il écopa sans que cela n’entame une rage de s’amuser qui le conduisait parfois à passer des nuits entières, dehors, par d’abominables temps
Oui, des lapins ! comme dans le bois le plus vulgaire et les réserves les plus giboyeuses ; comme à Chantilly, à Marly, à Compiègne : comme dans la forêt d’Halatte ou la forêt de Senart. Des lapins ! là où dorment, côte à côte, Héloïse et Abeilard, Raspail et Thiers !...
En existait-il au temps où Balzac y enterrait le père Goriot et où Rastignac, contemplant, du haut du cimetière, Paris, « tortueusement couché le long des deux bords de la Seine » disait ces mots grandioses, avec un regard de défi : « A nous deux, maintenant ! » En existait-il, quand Gozlan écrivait ses Nuits sinistres ?... En existait-il, effarés dans leurs trous, pendant la famine, du siège et les fusillades de la Commune ?
Le père Bouland, seul, aurait pu répondre. Le père Bouland ?... Voici son histoire :
Une nuit des années 1870-1880, vers dix heures, deux gardiens se promenaient dans les allées du cimetière, faisant leur tournée d’inspection. On était en plein hiver ; le froid était piquant et les hautes herbes blanches, durcies par la gelée, craquaient sous les pieds. Le Père-Lachaise était calme. Depuis longtemps, les maraudeurs le négligeaient et exerçaient autre part leurs déprédations funèbres ; depuis longtemps, point de couronne volée sur les tombes, point de grilles brisées et emportées, point d’effractions, point d’escalades ; et ce soir-là, comme les autres soirs, s’était écoulé sans alerte.
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Tombeau d’Héloïse et Abélard au cimetière du Père-Lachaise
Leur inspection terminée, les gardiens se disposaient à rentrer, quand, soudain, vers le mur de clôture, un coup de feu retentit, dont les sonorités emplirent le cimetière, répercutées le long des tombes... Puis de nouveau le silence se fit, solennel et mystérieux. Quelques feuilles mortes, retenues à des branches, tombaient, détachées par la vibration de l’air, et c’était tout...
Les deux gardiens s’étaient rapprochés, écoutaient, s’attendant à ce qu’un gémissement, un cri, un appel au secours parviendrait jusqu’à eux. Rien !... Ils se dirigèrent vers l’endroit d’où la détonation était partie... cherchèrent une trace, un indice... une piste de pas... L’un d’eux grimpa sur le mur et inspecta les environs... Efforts inutiles... S’il n’était resté, dans l’air, l’odeur subtile de la poudre, ils auraient pu croire qu’ils avaient rêvé...
Ils n’osèrent point parler de cette aventure, mais le lendemain ils étaient à leur poste, à peu près à la même heure, et ce fut encore au moment où leur service allait prendre fin qu’ils entendirent, du même côté que la veille, une violente détonation. Cette fois, le doute n’était plus permis. Pourtant ils eurent beau faire diligence et se précipiter vers le mur, ils ne trouvèrent qu’une bourre, fumant dans l’herbe mouillée.
Au matin, une minutieuse inspection des environs ne leur révéla rien qui vaille. Le champ était libre pour les conjectures. Etait-ce une tentative d’assassinat contre un des gardiens ?... Etait-ce quelque attaque nocturne dans ces terrains vagues qui bordent le cimetière où le crime est si fréquent et si facile ?... Rapport fut fait à l’administration. Une surveillance active fut organisée, mais, pendant les huit jours qui suivirent, on ne remarqua rien de suspect. La surveillance se relâcha. Les gardiens même n’y pensaient plus, quand un soir, ils entendirent — c’était la troisième fois — deux détonations successives, pif, paf, se succédant à une seconde d’intervalle.
Il arrivèrent trop tard, cette fois comme les autres, mais à temps, toutefois, pour percevoir de l’autre côté du mur un bruit de pas qui s’éloignaient. Etait-ce un passant ? Etait-ce le tireur mystérieux ? Le temps d’escalader le mur et il n’y avait plus personne ! La colère s’en mêlant, il se mirent à l’affût toutes les nuits, derrière une pierre tombale, armés de fusils et résolus à s’en servir. Non loin d’eux étaient creusés trois caveaux dont on avait commencé autrefois, puis abandonné la construction. Des herbes broussailleuses y avaient poussé, entre lesquelles on distinguait des trous qui semblaient s’enfoncer sous terre profondément. Depuis longtemps, ces caveaux passaient pour servir de retraites aux légions de rats qui infestaient le cimetière, et l’on avait souvent parlé d’y organiser une chasse en lançant les chiens ratiers dans les couloirs souterrains habités par les petits rongeurs.
La troisième nuit, les gardiens remarquèrent que de grosses boules grises bondissaient de ces caveaux au milieu des herbes et de tombe en tombe s’allongeaient, se repliaient, lancées comme par une catapulte, disparaissaient et reparaissaient vingt fois dans la même seconde, se démenant, s’agitant, se rejoignant, se séparant, puis, après des évolutions sans nombre auxquelles l’obscurité et le lieu prêtaient quelque chose de fantastique, s’arrêtaient soudain dans une broussaille où elles s’effondraient et s’évanouissaient.
Les yeux des gardiens s’étaient habitués à la nuit, d’ailleurs transparente, car la lune allait se lever. Une sorte de grattement attira leur attention. Ils retinrent leur haleine. En haut du mur quelque chose remua : une tête d’homme qui se pencha en avant et inspecta le cimetière. Après la tête, ce fut le buste, puis les jambes. L’homme se posta sur la crête, sans se hâter, déposa un fusil à portée de la main et siffla doucement. Un chien à poils frisés noirs et blancs bondit auprès de lui en jappant, mais une menace le fit taire.
L’homme hissa une échelle qu’il descendit dans le cimetière, après quoi, son fusil entre les mains, il se tint immobile. Le chien, assis, très attentif, non plus ne bougeait pas. Un instant, les boules grises, effrayées par le bruit, étaient devenues invisibles, mais le silence les tranquillisa et les danses et les sauts recommencèrent. Elles jouaient, se lutinaient, se querellaient, aussi, car il y avait des piétinements de colère pareils, sur le sol durci par la gelée, à des roulements d’un tambour souterrain. L’homme, du haut du mur, regardait ces ébats... Tout à coup, il épaula et fit feu... Un nuage de fumée enveloppa le tireur... Les gardes étaient sortis de leur cachette... Le chien avait dégringolé l’échelle, s’était précipité dans une touffe d’herbes et remontait, un lapin à la gueule... Et prestement, l’échelle fut retirée, l’homme et le chien disparurent...
Cette fois, les gardiens savaient à quoi s’en tenir : c’était à un chasseur qu’ils avaient à faire, non à un assassin. A un chasseur, oui, un chasseur de lapins !... Le père Bouland était un bonhomme à figure jaune et ratatinée, plissée de mille rides, sec comme un clou et dont les yeux ronds très brillants, sans cesse en mouvement, avaient un éclat fiévreux presque insoutenable. Qu’était-ce ? Un brocanteur de Ménilmontant qui à force d’économies pénibles, avait acheté un morceau de terrain près du Père-Lachaise. Il y avait fait bâtir et vivait là, seul avec sa femme, continuant son métier, arrondissant de jour en jour sa petite fortune.
Ce bonhomme, dont l’unique préoccupation semblait être de thésauriser, qui de sa vie n’avait regardé une autre femme que la sienne, et de sa vie non plus ne s’était trouvé devant le comptoir d’un marchand de vin, avait, depuis sa jeunesse, une passion, bizarre chez un être pareil, d’autant plus violente qu’elle s’était alimentée par l’imagination et qu’il n’avait jamais osé la satisfaire : il adorait la chasse. Mais il l’adorait à en parler tous les jours, à en rêver toutes les nuits, à ne plus dormir les veilles d’ouverture, à dévorer fiévreusement les traités cynégétiques qui lui tombaient sous la main, dans les hasards de son commerce...
Une seule chose combattait son penchant : l’avarice. Cela eût coûté cher de chasser ! Une action de chasse était nécessaire d’abord. Et puis, c’était des déplacements ; le temps perdu ; un fusil qu’il fallait acheter, un chien qu’il fallait nourrir, des munitions, enfin des frais innombrables sans compter le port d’arme et le reste !... Or, un jour qu’il se promenait le long du cimetière, sa marotte en tête, il s’arrêta brusquement, si ému, qu’une grosse sueur lui mouilla le front.
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Allée principale du cimetière du Père-Lachaise
Une idée — mais une idée qui allait réaliser son rêve, le rêve de trente ans ! — lui traversait la cervelle... Le cimetière, à deux pas de chez lui, est-ce que ce ne pouvait pas être une chasse toute prête ? Une chasse bon marché, et commode avec cela !... Certes, il ne comptait y tuer ni sangliers, ni chevreuils, pas même de lièvres, pas même de perdreaux !... Mais en jetant là, en avril, cinq ou six couples de lapins, il était sûr d’en retrouver une centaine en hiver ! Rien à craindre, si ce n’est de la part des gardes !
En une seconde, son plan fut fait. II élèverait un chien — Baptiste — ramassé dans la rue, lui apprendrait à rapporter. Il avait justement trouvé, ces temps derniers, dans un lot de ferraille, un vieux fusil à pierre ! Ne serait-ce pas suffisant ?... Faut-il une si belle arme pour bouler un lapin ?... La nuit, il se rendrait à l’affût ! Dans le cimetière, les rongeurs auraient de quoi se nourrir. Et le Père-Lachaise était clos ; point de braconniers à redouter ! Cinq ou six mois après, sa chasse était prête. Dans les caveaux funèbres il avait vu des terriers et, de ci, de là les arbustes, dont l’écorce était rongée, indiquaient que les bêtes avaient pullulé. Bouland se frotta les mains et prépara ses munitions.
Il aurait pu se passer de la permission de la loi et partir, quand bon lui semblerait, le fusil sur l’épaule. Mais, chasseur avant tout, il attendit l’ouverture. Avec quelle impatience, on le comprend. La première fois il en tua deux. Econome, il ménageait son gibier. La seconde, deux aussi. Mais le bruit formidable des détonations du vieux fusil, éclatant du haut du mur, dans la nuit silencieuse, l’effraya. Il eut peur d’être pris par les gardes et se tint coi pendant quinze jours. Puis, de loin on loin, il poursuivit ses exploits. Il se contentait d’un lapin et tout de suite s’enfuyait. Il avait dressé Baptiste à descendre l’échelle et à lui rapporter la pièce tuée de telle sorte qu’il ne bougeait pas du mur, prêt à disparaître à la moindre alerte.
La nuit où les gardiens faillirent le surprendre, il eut si peur qu’il accrocha son fusil à sa devanture, décidé à le vendre. Mais quoi ? Pour un peu de risque, abandonner une chasse pareille ? Sa résolution n’y tint pas. Seulement, il redoubla de prudence et de ruse. Certaines nuits, il courait lâcher un ou deux coups de fusil à quelques cents mètres, pour attirer là les gardiens, puis, revenant précipitamment, il grimpait à l’échelle, faisait sa chasse et s’en allait.
Sa vue acquérait, à ces expéditions, une prodigieuse, acuité, en même temps que son adresse se développait. D’autres fois, laissant reposer le fusil, il furetait en étalant des bourses aux gueules. Mais il n’aimait pas ce genre de chasse, qui ressemblait trop au braconnage. Il reprenait vite son flingot, méprisant le danger, à la fin pris d’une rage de s’amuser, restant toutes les nuits dehors, par d’abominables temps, déjouant les pièges qu’on lui tendait, et repeuplant le cimetière quand il s’apercevait que les gardiens avaient vidé les terriers !...
Cela dura neuf ou dix ans — de 1871 à 1880 — car ce n’est pas une légende que cette histoire. Pendant ces dix ans, le brocanteur, arrêté deux fois, passa deux fois en police correctionnelle et subit de fortes condamnations. Il était trop malade pour guérir. L’amende payée, la prison faite, il décrochait son fusil et retournait à son mur, suivi de Baptiste...
On défonça les terriers, on boucha les gueules, on fit une chasse incessante aux rongeurs. Le bonhomme ne s’en émouvait pas. Les lapins pullulent comme de la vermine. Quand le dernier est tué, il en naît d’autres. Des terriers se reformaient, à travers les tombes, et qui dira quelles rencontres funèbres faisait le gibier de Bouland en ses galeries souterraines, où il se heurtait aux bois des cercueils, côtoyait les assises des caveaux, obligé à mille sinueux détours, tantôt perçant droit devant lui. tantôt revenant en arrière, obliquant, creusant toujours ?
Mais les fossoyeurs envahirent un terrain jusque-là réservé, les bêches fouillèrent le sol profondément, et les tombes se rapprochèrent peu à peu de la clôture. A chaque concession nouvelle, les larges pierres tumulaires écrasaient les hautes herbes où jadis avaient bondi les fuyards sous le coup de fusil de l’étrange braconnier. Les grilles enserrèrent étroitement les arbustes. Les derniers lapins tués étaient maigres et mal portants. Enfin, pendant un mois, Bouland, à l’affût toutes les nuits, revint bredouille.
Dès lors, il fut triste. Quand on parlait chasse devant lui, il souriait amèrement, sans répondre. Il vendit son fusil, mais garda Baptiste, le vieux compagnon de ses nocturnes campagnes. Il mourut quatre ou cinq mois après sans s’être consolé. Il a voulu être enterré près de ses terriers, et c’est là qu’il repose, au milieu de sa chasse funèbre, en ce cimetière dont ses coups de feu retentissants ont tant de fois troublé le religieux sommeil.
Longez le Père-Lachaise, dans le vingtième arrondissement, et quand vous rencontrerez l’impasse où se trouve une maison d’école, et à laquelle Bouland a donné son nom, faites-vous raconter l’histoire de Baptiste et de son maître.
Invité- Invité
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
pour tout
SUPER GENIAL comme d'habitude
Bonne soirée
RASTAMAN2401- president d hippodrome
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Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
A tous.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Du Lorem ipsum dans un dessin animé de Tintin
Les animateurs ont utilisé ce faux-texte bien connu pour remplir les colonnes d’un journal !
En regardant certains dessins animés avec un œil un peu formaté par les métiers du web ou de l’édition, on prête plus attention à certains détails. C’est ainsi qu’en visionnant l’épisode L’île noire de la série animée Les aventures de Tintin (1992), on peut se rendre compte que les animateurs ont utilisé le Lorem ipsum pour remplir les colonnes d’un journal consulté par un des malfaiteurs.
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Le Lorem ipsum est un « faux-texte » utilisé en imprimerie ou pour la création d’interface web, afin de calibrer le contenu et l’espace lorsqu’on ne dispose pas encore du texte définitif. Il s’agit de fragments extraits d’un ouvrage en latin de Cicéron, De Finibus Bonorum et Malorum. Mais le Lorem ipsum en tant que tel n’a pas de signification : certaines lettres du texte original ont été omises (dolorem ipsum…), voire des mots entiers.
Si ce type de faux-texte a ses limites (voir l’article sur Wikipedia), les avantages du Lorem ipsum sont de donner une idée plus ou moins représentative de la répartition typographiques pour ce qui concerne l’anglais, ainsi que de permettre aux collaborateurs à un projet de repérer immédiatement qu’il s’agit d’un contenu fictif1.
Sauf qu’on n’utilise évidemment jamais de faux-texte dans un projet fini ! Peut-être s’agit-il d’un clin d’œil ? Ou bien d’un dessinateur paresseux ? À moins que le Lorem ipsum ait été privilégié pour ne pas poser de problèmes de traduction dans les versions non-francophones du dessin animé ?
Illustration : extrait du dessin animé L’île noire (Les aventures de Tintin)
LE SAVIEZ-VOUS ?
Du Lorem ipsum dans un dessin animé de Tintin
Les animateurs ont utilisé ce faux-texte bien connu pour remplir les colonnes d’un journal !
En regardant certains dessins animés avec un œil un peu formaté par les métiers du web ou de l’édition, on prête plus attention à certains détails. C’est ainsi qu’en visionnant l’épisode L’île noire de la série animée Les aventures de Tintin (1992), on peut se rendre compte que les animateurs ont utilisé le Lorem ipsum pour remplir les colonnes d’un journal consulté par un des malfaiteurs.
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Le Lorem ipsum est un « faux-texte » utilisé en imprimerie ou pour la création d’interface web, afin de calibrer le contenu et l’espace lorsqu’on ne dispose pas encore du texte définitif. Il s’agit de fragments extraits d’un ouvrage en latin de Cicéron, De Finibus Bonorum et Malorum. Mais le Lorem ipsum en tant que tel n’a pas de signification : certaines lettres du texte original ont été omises (dolorem ipsum…), voire des mots entiers.
Si ce type de faux-texte a ses limites (voir l’article sur Wikipedia), les avantages du Lorem ipsum sont de donner une idée plus ou moins représentative de la répartition typographiques pour ce qui concerne l’anglais, ainsi que de permettre aux collaborateurs à un projet de repérer immédiatement qu’il s’agit d’un contenu fictif1.
Sauf qu’on n’utilise évidemment jamais de faux-texte dans un projet fini ! Peut-être s’agit-il d’un clin d’œil ? Ou bien d’un dessinateur paresseux ? À moins que le Lorem ipsum ait été privilégié pour ne pas poser de problèmes de traduction dans les versions non-francophones du dessin animé ?
Illustration : extrait du dessin animé L’île noire (Les aventures de Tintin)
alain90- president d hippodrome
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Date d'inscription : 16/10/2011
Re: LES ANECDOTES HISTORIQUES, DROLES OU ENCORE INSOLITES
les amis
J'ignorais tout de de cette pratique du "lorem ipsum". Il n'y a pas d'âge pour découvrir.
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Saigner du nez
Cela signifie : Manquer de courage
Cette expression remonte au XVIe siècle ; elle a pris naissance dans les camps parmi les cavaliers qui trouvaient dans un accident fortuit, comme par exemple, un saignement de nez, un prétexte donné par un poltron pour aller se mettre derrière ses camarades et éviter, de cette façon, le premier choc de l’ennemi.
Voici quelques lignes tirées d’un livre sur les dispositions d’une armée dans lesquelles il est fait mention de cette expression :
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« Quand une troupe est ordonnée en aisie (aile), les bons qui sont ordinairement le moindre nombre, encore qu’ils marchent gaillardement au combat, néantmoins (néanmoins) les autres qui n’ont guères d’envie de mordre feignent de saigner du nez, ou prétextent qu’ils ont une estrivière rompue ou leur cheval déferré pour demeurer en arrière. »
Le poète Scarron (XVIIe siècle) dans son Virgile, IV, nous a laissé ces trois vers :
Quand quelqu’un a l’âme poltronne,
A tout bruit il tremble et s’étonne
A tout coup il saigne du nez.
J'ignorais tout de de cette pratique du "lorem ipsum". Il n'y a pas d'âge pour découvrir.
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Saigner du nez
Cela signifie : Manquer de courage
Cette expression remonte au XVIe siècle ; elle a pris naissance dans les camps parmi les cavaliers qui trouvaient dans un accident fortuit, comme par exemple, un saignement de nez, un prétexte donné par un poltron pour aller se mettre derrière ses camarades et éviter, de cette façon, le premier choc de l’ennemi.
Voici quelques lignes tirées d’un livre sur les dispositions d’une armée dans lesquelles il est fait mention de cette expression :
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« Quand une troupe est ordonnée en aisie (aile), les bons qui sont ordinairement le moindre nombre, encore qu’ils marchent gaillardement au combat, néantmoins (néanmoins) les autres qui n’ont guères d’envie de mordre feignent de saigner du nez, ou prétextent qu’ils ont une estrivière rompue ou leur cheval déferré pour demeurer en arrière. »
Le poète Scarron (XVIIe siècle) dans son Virgile, IV, nous a laissé ces trois vers :
Quand quelqu’un a l’âme poltronne,
A tout bruit il tremble et s’étonne
A tout coup il saigne du nez.
Invité- Invité
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